Table des matières
- 1. Denis Monneuse, enseignant-chercheur en ressources humaines et auteur de "Errare managerium est" (Dunod 2021) a observé plus de 200 erreurs différentes de management. Comment le lean peut-il aider la gouvernance - et les RH - à développer de bons processus, sans enfermer l’entreprise dans ce qu’il appelle de soi-disant « bonnes pratiques » ?
- 2. Dans son baromètre 2020 "Talent Management", l'ANDRH indique que la politique de gestion des talents est définie à près de 60% au niveau groupe (44% en 2017). N'est-ce pas symptomatique du besoin de l'entreprise de tout contrôler là où le collaboratif apporte plus d'efficience ?
- 3. Les Echos indiquaient (23.06.2021) que les difficultés temporaires du processus de recrutement ne menaçaient pas la reprise. Néanmoins, quelles mesures pratiques le Lean peut-il apporter à l’entreprise pour soutenir l’embauche de collaborateurs talentueux ?
1. Denis Monneuse, enseignant-chercheur en ressources humaines et auteur de « Errare managerium est » (Dunod 2021) a observé plus de 200 erreurs différentes de management. Comment le lean peut-il aider la gouvernance – et les RH – à développer de bons processus, sans enfermer l’entreprise dans ce qu’il appelle de soi-disant « bonnes pratiques » ?
Souvent, les « best practices » ne sont qu’un empilement de procédures n’ayant pas évolué
Le Lean, le management de processus au sens large, repose sur l’amélioration d’indicateurs en continu. Il n’existe pas de texte expliquant comment manager de bonnes pratiques en soi. Ce qui sera considéré comme une bonne pratique sur un secteur sera peut-être inopérant sur un autre. Il s’agit donc de faire évoluer un standard, de questionner de façon collaborative la validité de l’existant sans pour autant faire « tabula rasa » du passé. L’organisation a forcément des enseignements à tirer par rapport à son historique. La première étape consiste à prendre le temps de cartographier les processus actuels. Cette démarche est cruciale pour, par exemple, comprendre et résoudre des problématiques de turnover important dans un call-center.
Chaque processus, y compris les processus RH, doivent être documentés
Trop souvent, la RH est dépourvue de processus, de formalisation. Sans compter sur les risques de « contournements », voire d’arrangements internes de managers par convenance personnelle – il ne faut pas se voiler la face, cela existe ! – parfois pour conserver sans partage la maîtrise d’un savoir. Cette attitude semble plus courante dans les pays latins que les pays anglo-saxons ou nordiques.
L’analyse transactionnelle des processus, dite « swim lane », permet une cartographie des flux par service. Celle-ci aidera à identifier les interactions entre services – casser les silos est indispensable en Lean – et les prises de décision sur lesquelles se greffent d’éventuelles problématiques. À partir de là, il devient possible d’en évaluer tous les aspects : qui décide et comment, que se passe-t-il en cas de défaillance, quelle est la récurrence, quels ont été les résultats, etc.
Suivi d’indicateurs et recherche des défauts de processus pour dynamiser la performance du recrutement
Critiquer des process à l’aide d’une Amdec (Analyse des Modes de Défaillance, de leurs Effets et de leur Criticité) permet d’identifier les dysfonctionnements, trouver les causes et, par exemple, mettre en œuvre des chantiers kaizen d’amélioration de la performance sur des secteurs particuliers. Dans ce cadre-là, un management de processus sert à identifier les données d’entrée, de sortie, les acteurs principaux, les étapes, les objectifs et d’en mesurer chaque composante. Outre cette cartographie, le « timing » des diverses phases est important et permettra à la RH d’être réellement performante dans son processus de recrutement.
2. Dans son baromètre 2020 « Talent Management », l’ANDRH indique que la politique de gestion des talents est définie à près de 60% au niveau groupe (44% en 2017). N’est-ce pas symptomatique du besoin de l’entreprise de tout contrôler là où le collaboratif apporte plus d’efficience ?
Une nécessaire centralisation, une indispensable collaboration
Le chiffre est en dessous de la réalité. En effet, si la politique, pas ses modalités pratiques, doit être définie en central, elle ne peut pas se décliner de la même manière auprès des populations sur le terrain. La politique de gestion des talents, définie au niveau groupe pour une question d’homogénéité entre unités. La gouvernance doit pour cela impulser une vision, un cap, des valeurs.
Les modalités de mise en œuvre doivent se travailler en équipes afin de bien intégrer toutes les spécifications des métiers voire des cultures. On ne gère pas les talents d’une unité de production comme des ressources au siège. De même, les besoins du service commercial ne sont pas les mêmes que ceux de la R&D. Certains collaborateurs sont plus stables sur certains postes, l’organisation peut décider de miser sur une progression des connaissances. Cette gestion des talents est donc tributaire de la gestion des postes. Attention, cependant, à ne pas pratiquer de discrimination, car cette gestion doit se pratiquer de façon globale, sans faire de fixation sur les seuls hauts potentiels ! Car point de performance sans (bon) sens ni engagement collectif.
Favoriser la montée en compétences
Ensuite, la gestion des talents ne se limite pas non plus au nombre de jours de formation ou au niveau des formations effectuées en externe. À ce sujet, le Lean met l’accent sur l’apprentissage, le collaboratif, la notion de maître-apprenti. Le cartésianisme – pris au sens d’une volonté de tout définir, d’envisager tous les cas de figure et toutes les solutions – serait plutôt enfermant que libérateur. La solution HRMAPS propose donc aux RH une véritable gestion des talents. L’organisation peut en un clin d’œil identifier les besoins et favoriser les montées en compétences des collaborateurs en les intégrant dans des plans de formation de façon intuitive.
3. Les Echos indiquaient (23.06.2021) que les difficultés temporaires du processus de recrutement ne menaçaient pas la reprise. Néanmoins, quelles mesures pratiques le Lean peut-il apporter à l’entreprise pour soutenir l’embauche de collaborateurs talentueux ?
Vendre une marque employeur est une démarche clé
Si certains métiers sont chroniquement en tension, les confinements ont donné lieu à une prise de conscience de certains collaborateurs, de certaines fonctions – les soignants par exemple – qui n’avaient plus envie de travailler. Encore une fois, c’est la question du sens qui est de nouveau clé.
Vendre une qualité de vie au travail, une ambiance, bref, une marque employeur devient véritablement un critère différenciant pour les futurs talents. Dès lors, le défi pour la RH consiste à la fois à créer ces conditions en interne ET à les défendre sur le marché. Ainsi, dans le secteur de la restauration, la prise en compte de contraintes personnelles sur des jours d’ouverture ou de fermeture peut faciliter les candidatures. Par ailleurs, en matière d’outils digitaux, les millenials s’attendent à retrouver sur leur lieu de travail la même fluidité qu’ils pratiquent personnellement. D’où la nécessaire transition de l’entreprise dans son ensemble.
La performance en ligne de mire
Les besoins de l’organisation et ceux des clients (internes et externes) entrent en juxtaposition. La question de la gestion de la performance entre en ligne de compte. Le sentiment d’appartenance peut être très important – le « why » cher à Simon Sinek – de même que la prise de conscience de la satisfaction de la relation client, quels que soient les secteurs et les fonctions. La rémunération n’est pas le seul levier d’engagement à envisager lors d’un recrutement, surtout pour les PME et ETI qui sont souvent en concurrence frontale avec les grands comptes.
Le manque de main-d’œuvre devrait donc être un vecteur pour identifier ce qui a vraiment de la valeur ajoutée afin d’améliorer le contenu et l’intérêt du travail. Il ne faut pas vendre un poste de travail, mais une ambiance de travail. L’appartenance à une équipe, le sens du travail, la vision de l’entreprise sont des vecteurs de motivation. Comme déjà dit, le Lean est basé sur l’amélioration continue participative, chacun est donc acteur de l’évolution de son poste.
Pascal CHALOYARD
-
Master Black Belt Lean Six Sigma.
-
Ingénieur INSA Génie Mécanique, 40 ans d’expérience industrielle.
– A dirigé un bureau d’études industrielles avant de déployer le Lean et le Six Sigma dans un grand groupe à l’échelle Européenne.
– Il coache les Black Belt et les Green Belts avec une expertise des outils d’amélioration continue notamment le Lean.