Table des matières
- Le Lean propose-t-il des outils de compréhension mutuelle ?
- Dès lors, sur quels arguments Lean la RH peut-elle s’appuyer pour faire valoir sa position de « Business Partner » auprès de la gouvernance qui la considère cependant comme éloignée du dit business.
- Mais quels process Lean définir pour une adoption optimum ?
- Les bénéfices de la « capacitation » pour les collaborateurs, les managers et l’organisation dans son ensemble
1. La fonction de « HR Business Partner » (ou HRBP) commence à apparaître dans les entreprises françaises seulement depuis quelques années. Elle a été imaginée aux États-Unis par Dave Ulrich dans les années 1970. Le cabinet de recrutement Michael Page insiste notamment sur deux points importants : la capacité à « déployer localement les process RH groupe » et « communiquer efficacement des informations complexes de manière claire et concise avec les dirigeants, les gestionnaires et les employés à tous les niveaux de l’organisation ».
Le Lean propose-t-il des outils de compréhension mutuelle ?
La communication : un outil crucial
La communication se décline en trois points clés essentiels
- La vision (se projeter à long terme genre 5 ans, atteindre telle part de marché)
- La mission (ce que fait l’entreprise)
- Les valeurs pour aligner tout le monde sur la raison d’être de l’organisation
Il s’agit d’un opératoire en « top-down » par lequel le top management forme les managers intermédiaires.
Dans ce cadre-là, il est primordial d’avoir un feedback, de s’assurer que les collaborateurs comprennent bien les messages, car il s’agit de facteurs clés de motivation. Cette étape doit se dérouler à tous les échelons, ce qui nécessite de gros efforts de formation. Un tel ruissellement prend du temps pour garantir une adoption forte. Ensuite, il faut gérer le processus lui-même, notamment lors de l’onboarding de tout nouvel entrant, car vision, mission et valeurs font partie intégrante du discours RH : il s’agit de s’assurer que les candidats sont bien en phase. En effet, la valeur de l’entreprise réside dans les collaborateurs (« people value stream »). Une telle communication ne se fait pas en « one shot », mais se déroule à travers des actions à répéter constamment, voire de manière différenciée par exemple grâce au Visual Management.
Le déploiement d’un SIRH : une démarche stratégique
Les processus sont négociés entre chaque niveau, avec les grands axes stratégiques (KPI, objectifs à 3-5 ans, à l’année via le Hoshin Kanri). Les KPI annuels sont révisés en revue de direction et affichés pour que tout le monde soit calé dessus, que les collaborateurs sachent où ils vont. Les processus doivent être globaux sur l’entreprise : impossible d’avoir des dizaines de processus de recrutement différents. Le SIRH fédère l’ensemble et propose un parcours du collaborateur pour éviter de perdre des talents, ce qui est du « Mudda », du gaspillage. Il faut donc penser sans cesse au développement des compétences – qui est un processus en soi – auquel il faut réfléchir en termes d’expérience / parcours collaborateur avant même de mettre en œuvre un outil digital. Ce n’est qu’après avoir ensuite digitalisé les process qu’on peut mettre en œuvre l’outil.
Le Lean pour fédérer les actions RH
Une démarche Lean implique une unicité de l’information, et que des processus soient intégrés dans un système unique et agile pour proposer une gestion de carrière attirante, gérer les formations, les entretiens, les outboardings, etc. Dès lors, celui-ci deviendra devient indispensable au parcours collaborateur et un indicateur fort pour la marque employeur. Le Lean garantit des processus souples permettant des ajustements conjoncturels, de la flexibilité, mais également de créer des attentes en dévoilant régulièrement des informations autour des trois piliers cités plus haut : quels sont les objectifs et les projets stratégiques de l’année prochaine ? La vision aura-t-elle évolué ? Comment le collaborateur aura-t-il été intégré dans ces projets et comment lui-même et l’équipe y aura contribué ? À l’heure du collaboratif, cet aspect est très important dans des sociétés encore très individualisées. C’est en cela que RH et Lean sont des instruments primordiaux de soutien à la gouvernance.
2. L’analyste Bertrand Duperrin estime dans un récent billet (02.2023) que quand l’économie se tend, les entreprises commencent à questionner leurs coûts, notamment ceux des activités non productives. Le ROI – c’est-à-dire la garantie systématique d’un retour connu pour chaque euro investi – des activités de la fonction RH figure en bonne place. Or, juger la fonction RH sur son strict ROI, même indirect, serait catastrophique selon lui.
Dès lors, sur quels arguments Lean la RH peut-elle s’appuyer pour faire valoir sa position de « Business Partner » auprès de la gouvernance qui la considère cependant comme éloignée du dit business.
Les RH tributaires du métier
Le problème de la fonction RH – et des fonctions « support » en général – concerne leur ROI indirect. Elles permettent aux composantes de l’organisation de mieux faire leur travail, mais leur impact n’est ni mécanique ni toujours traçable. Or, la fonction RH est trop souvent challengée sur le mauvais terrain, quand elle n’est pas considérée comme un centre de coût. Elle doit donc investir pour créer un potentiel de performance que d’autres utiliseront correctement … ou ruineront. La faute aux managers toxiques, aux collègues, aux outils ou aux process dysfonctionnels.
Constat : la fonction RH évolue
Dans ce contexte délicat, le HR Business Partner (HRBP) doit désormais pouvoir aligner les ressources humaines avec les enjeux métiers de l’entreprise et faire le lien avec les managers locaux de terrain. Cette fonction clé nécessite une très bonne connaissance des expertises RH, une grande capacité d’analyse et une forte curiosité.
À tout instant, le HRBP doit pouvoir défendre le fait que son département n’est pas un centre de coût, mais porteur d’une valeur ajoutée à travers des processus dynamiques et réactifs. Par exemple, il peut faire valoir que les fondations Lean sur lesquelles repose le SIRH de l’entreprise garantissent une gestion en flux tendu du personnel, et de ce fait répondre aux besoins d’une ligne de production qui ne peut se permettre de s’arrêter. Ainsi, le HRBP saura raisonner en termes d’efficience plus que de coûts. Après avoir défini des KPI et des objectifs en amont puis digitalisé ses processus RH,
il saura apporter une valeur ajoutée en ligne dans le cadre d’une démarche d’amélioration continue.
Démontrer l’amélioration des compétences
Imaginons qu’une entreprise ait besoin d’un chargé de compte pour traiter un dossier de 1,2 million€/an. Un retard de 1 mois sur l’embauche lui coûte donc 100 000€. Dans ce contexte, un SIRH performant conçu sur des processus bien pensés permet d’assurer un onboarding efficace et de réduire le turnover. Il sera largement remboursé, mais il ne s’agit pas que d’une pure question comptable.
Cet outil joue un rôle crucial pour optimiser les process RH et gagner en efficience. Il doit soulager le département – et les managers de terrain – de tâches chronophages et permettre de réduire le nombre d’ETP pour les affecter à des tâches à plus forte valeur ajoutée. Il permet aussi de gagner en fluidité, de libérer du temps et se doit d’être aussi agile qu’une application « grand public ».
Apporter des gages d’efficience grâce au Lean et à un SIRH performant de nombreux bénéfices découlent de l’usage des préceptes Lean : simplification des process, des outils et de l’organisation. Le travail devient plus fluide et la charge mentale est réduite… autant de points visibles et quantifiables. La détection des écarts entre les compétences actuelles et celles requises pour atteindre les objectifs de l’entreprise nécessite de mettre en place des formations ciblées pour combler d’éventuelles lacunes. Chercher des compétences, faire passer les entretiens, former les collaborateurs, réduire l’absentéisme, maintenir la motivation, prendre la température de l’entreprise et instiller des mesures adéquates en cas de problèmes demande du temps. Justement, l’outil permet d’en gagner et d’en faire gagner aux collaborateurs, un aspect à ne pas négliger pour faciliter l’adoption. N’oublions pas que la valeur de l’entreprise repose sur celle qu’elle accorde à ses collaborateurs. C’est une manne à préserver et faire progresser. Par conséquent, le SIRH ne sert plus les seules RH ou la gouvernance, mais les collaborateurs, désormais au cœur d’une démarche innovante, comme nous allons le voir plus bas.
3. La mise en œuvre d’une technologie innovante permettant notamment l’empowerment de managers en RH locaux apporte un plus concurrentiel indéniable à l’organisation.
Mais quels process Lean définir pour une adoption optimum ?
Du Lean Leadership à tous les niveaux de l’organisation
L’humain est au cœur du « temple Toyota » qui donne du pouvoir et de l’autonomie au personnel qui connaît le mieux le terrain. Pour ce faire, il est indispensable d’avoir recours à des processus d’apprentissage et à des matrices de compétences, de précieux outils permettant au collaborateur d’évoluer dans l’organisation. C’est d’ailleurs un point fort du SIRH HRMAPS. Il repose en effet sur un modèle « bottom-up » dont le succès vient justement depuis le terrain, d’où les problèmes sont remontés. Car c’est en donnant les moyens aux collaborateurs de terrain de participer à de la résolution de problèmes de façon active que ces derniers se sentent valorisés. Ils montent en compétences en étant intégrés dans des « groupes Kaizen » d’amélioration continue. Cela leur permet de remettre en cause des compétences et des pratiques établies. Cette démarche est d’autant plus efficace qu’elle se déroule en mode collectif – et non individuel – facilitant ainsi le partage d’expérience de collaborateurs qui savent comment les choses se passent sur le terrain.
Faire évoluer les process en continu
Une fois qu’un système de développement des compétences est rodé, on peut se poser la question de l’optimisation et trouver des idées pour éliminer le gaspillage et gagner encore en efficience. Il faut cependant que ce système soit piloté par des indicateurs, par des mesures susceptibles de proposer un cap à suivre. Il est nécessaire que des « team leaders » et des superviseurs agissent comme des « courroies de transmission », tout cela dans un cadre de polyvalence à tous les niveaux.
Le « droit d’échouer » pour réussir ensuite
Un collaborateur sensibilisé au Lean bénéficie quasiment d’une employabilité à vie et restera fidèle à l’organisation qui l’a formé. C’est un système innovant qui laisse le droit à l’erreur. En effet, ne faire que ce que l’on maîtrise bien laisse peu de place aux tentatives d’amélioration. Certes, le risque zéro n’existe pas, mais l’expérience est le fruit des échecs. Dixit le basketteur Michael Jordan : « J’ai raté 9000 tirs dans ma carrière. J’ai perdu presque 900 matchs. 26 fois, on m’a fait confiance pour prendre le tir de la victoire et j’ai raté. J’ai échoué encore et encore dans ma vie. Et c’est pourquoi j’ai réussi ».
Les bénéfices de la « capacitation » pour les collaborateurs, les managers et l’organisation dans son ensemble
Dans la mesure où la mission, la vision et les valeurs de l’organisation sont pleinement adoptées, la capacitation va fluidifier une gestion du changement souvent délicate pour les collaborateurs et leurs managers. Ainsi, parmi les bénéfices d’une autonomisation pilotée par des préceptes Lean, on retrouve principalement :
- Une vision du travail positive et humaine
- Un meilleur équilibre vie professionnelle / personnelle
- Un épanouissement du fait de l’exploitation d’un plein potentiel qui met à profit connaissances, expérience et motivation
- Une meilleure capacité d’adaptation
- Moins de résistance au changement
La gestion du changement impacte aussi les managers qui peuvent avoir le sentiment de devoir plus déléguer et diluer ainsi leur pouvoir. Or, à travers un nouveau rôle d’accompagnateur/coach, ils facilitent la mise en valeur des collaborateurs en explorant une nouvelle dimension de leur travail, plus axé vers la pédagogie et l’humain. Cette fonction de mentor valorisante génère un sentiment d’utilité.
Quant à l’entreprise – et sa gouvernance – elle constatera une influence positive sur sa performance globale, avec une croissance de +20% en six mois comme le rapporte le psychiatre Eric Albert dans son livre « Partager le pouvoir, c’est possible ». Une capacitation bien maîtrisée améliore ainsi :
- La rétention des talents (notamment les générations Z) grâce à des collaborateurs plus engagés et épanouis (réduction des absences, arrêts maladie et burn-out)
- La réactivité (face à l’agilité du marché)
- La pertinence des décisions (grâce à une vision d’entreprise claire soutenue par des process adaptés)
Tout ceci aura un effet de levier sur la marque employeur, dynamisée par la performance.
Pascal CHALOYARD
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Master Black Belt Lean Six Sigma.
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Ingénieur INSA Génie Mécanique, 40 ans d’expérience industrielle.
– A dirigé un bureau d’études industrielles avant de déployer le Lean et le Six Sigma dans un grand groupe à l’échelle Européenne.
– Il coache les Black Belt et les Green Belts avec une expertise des outils d’amélioration continue notamment le Lean.