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Le succès commence par le leadership
En général, lorsque je commence à travailler avec des entreprises ayant entamé des démarches Lean, l’histoire qu’elles me racontent est souvent la même : « Nous avons commencé notre parcours Lean il y a sept ans. Un consultant nous a aidés à élaborer du matériel de formation et nous avons mené un projet dans chaque usine. Le projet était axé sur certains événements kaizen dirigés par le consultant externe. Chaque usine a été invitée à nommer un facilitateur interne pour apprendre et poursuivre le processus. Nous avons une usine qui a tout mis en œuvre et qui est devenue un modèle dans notre entreprise et d’autres usines n’ont rien fait au-delà des événements initiaux dirigés par le consultant ».
Lorsque nous demandons quelles sont les différences entre les usines qui ont causé cette grande variation dans le succès des programmes Lean, la réponse est presque toujours la même : « Le directeur de l’usine modèle était très passionné et avait d’excellentes compétences humaines. Avec son équipe de mini-leaders, ils étaient absolument engagés».
Différentes perceptions du Lean
L’on entend souvent une autre partie de l’histoire: « Il est ensuite parti pour une autre opportunité et l’usine a régressé. »
Il est clair que la différence entre le succès et l’échec commence par le leadership. Cela commence au sommet, mais en fin de compte, le processus est porté par ceux qui, au milieu, soutiennent les employés à valeur ajoutée. Dans de nombreuses organisations, ces « managers de niveau intermédiaire » ne sont considérés que comme une nécessité pour maintenir l’ordre. L’on considère ces personnes comme un moyen de monter dans les échelons. Une exigence temporaire ou un rite de passage vers des postes plus importants et plus lucratifs. Il semble en effet que les personnes les plus talentueuses ou ambitieuses n’aient aucun désir de rester « dans les tranchées ». Étant donné la longue période de développement inhérente aux leaders profondément qualifiés en Lean, cela crée des défis au sein des entreprises.
Malheureusement, dans de nombreuses entreprises aujourd’hui, le leader de première ligne (cadre intermédiaire ou superviseur) est souvent considéré comme un « agent de circulation » ou, pire encore, comme un « baby-sitter ».
Le véritable leadership, croit-on, doit venir des niveaux supérieurs, où des décisions intelligentes peuvent être prises et transmises. Cependant, le superviseur ne doit s’occuper que des problèmes mineurs et garder le contrôle de la situation. Cette vision à courte portée crée une croyance selon laquelle les dirigeants de première ligne représentent un coût indirect et doivent donc être maintenus à un niveau minimal. Les superviseurs sont peu nombreux et leur responsabilité s’étend de plus en plus (nous avons vu des superviseurs qui avaient la responsabilité de plus de 60 personnes réparties sur plusieurs équipes).
La vision de Toyota
Toyota a une vision complètement différente des responsables de première ligne et leur accorde beaucoup plus d’importance. Ce sont des éléments cruciaux du Toyota Wa et doivent répondre à des attentes beaucoup plus élevées que dans la plupart des entreprises. Étant entendu que l’on attend du chef de groupe (superviseur) qu’il développe et encadre personnellement chaque membre du groupe, le rapport entre les chefs de groupe et les membres de l’équipe est le plus souvent de un pour dix, voire de un pour vingt.
Ainsi, dans ce présent article, nous passerons en revue certaines compétences essentielles que doivent posséder ou acquérir les leaders, et nous examinerons la structure de leadership chez Toyota. Nous nous pencherons également sur la structure de leadership de Toyota. Nous nous pencherons sur le leadership au sommet. Mais aussi sur le niveau intermédiaire négligé, parfois appelé de manière négative le « middle frozen ». C’est à ce niveau que la responsabilité s’arrête, là où le leadership du sommet se traduit en action. Les cadres intermédiaires sont figés parce qu’ils sont souvent coincés entre les édits et visions du sommet et les réalités de la production de la zone de première ligne.
Importance du leadership chez Toyota
Toyota a une structure organisationnelle relativement plate, sans beaucoup de niveaux de management. Les dirigeants jouent un rôle clé dans le succès de l’entreprise. Mais il n’est pas nécessaire d’avoir un nombre excessif de niveaux de direction, car les dirigeants forment et encadrent d’autres personnes pour qu’elles accomplissent un grand nombre des tâches souvent effectuées par les dirigeants d’autres entreprises.
Bien que Toyota ait peu de niveaux, l’étendue du contrôle des dirigeants à la base de l’organisation est très faible, ce qui fait que les chefs de groupe de travail sont plus nombreux que chez les concurrents. Ainsi, la philosophie de Toyota consiste à disperser les responsabilités au niveau le plus bas possible. On attend beaucoup des collaborateurs de production, les chefs d’équipe ont un large éventail de responsabilités et un chef de groupe dirige une « mini-entreprise ». Étant donné que tous les dirigeants sont censés avoir un niveau élevé de responsabilités, la sélection et le développement ultérieur des dirigeants dans l’organisation doit être l’une des considérations les plus importantes.
Souvent, les entreprises se concentrent sur le développement des « tâches » ou des « responsabilités » des dirigeants plutôt que sur les attentes. Cela ressemble aux tentatives de mise en œuvre d’outils Lean plutôt que de philosophie Lean. Les gens veulent savoir « ce que fait un chef d’équipe ou un chef de groupe » plutôt que « quels sont les objectifs ou les attentes en matière de leadership ». En conséquence, l’on confie des missions aux leaders, telles que « répondre à l’Andon lorsqu’il se déclenche » ou « tracer les données et les afficher sur le tableau ». Ces activités sont nécessaires pour soutenir le système, mais elles sont périphériques et ne constituent pas l’essence du leadership.
Chez Toyota, la direction de la production de première ligne se compose principalement de chefs d’équipe – des travailleurs de la production rémunérés à l’heure ayant d’importantes responsabilités dans le soutien direct de la ligne de production – et de chefs de groupe, qui sont des superviseurs salariés soutenant les fonctions de l’ensemble du groupe.
Les chefs d’équipe et les chefs de groupe ont trois responsabilités fondamentales :
- Le soutien aux opérations
- La promotion du système
- Conduite du changement
Le chef de groupe joue un rôle crucial dans la mise en œuvre et le développement continu du système de production Toyota. Un grand nombre de personnes sont sous la responsabilité des chefs de groupe, et ils ont donc une influence sur le résultat du travail et des progrès de nombreuses personnes. Le chef de groupe doit jouer un rôle actif dans ce processus pour qu’on le couronne de succès.
Le rôle du chef de groupe est bien plus que celui d’un « superviseur ». En effet, on s’attend à ce que le chef de groupe prenne les devants et ouvre la voie. Bien sûr, les détails spécifiques du rôle de chef de groupe peuvent varier d’une région à l’autre en fonction des besoins du processus. Mais tous les leaders doivent être flexibles et prêts à faire tout ce qui est nécessaire pour atteindre les résultats souhaités. Le poste de chef de groupe exige une capacité à interpréter les besoins à un niveau élevé (les responsabilités du poste et les objectifs de l’entreprise) et à les transmettre à l’équipe pour qu’elle atteigne les objectifs quotidiens (capacité de leadership, capacité à enseigner et connaissance du poste).
Ce que l’on attend du leadership Lean, c’est qu’il développe efficacement les personnes afin que les résultats des performances s’améliorent constamment. De ce fait, il est nécessaire d’inculquer la culture Lean à tous les employés, développer et faire progresser en permanence des personnes compétentes et concentrer les efforts sur le renforcement du système de production Lean. L’efficacité d’un leader se base sur quatre résultats de performance clés :
- La sécurité, y compris l’ergonomie, la réduction des blessures et l’amélioration de la conception du lieu de travail
- Qualité, y compris la formation, l’amélioration des processus et la résolution des problèmes
- La productivité, qui englobe la satisfaction constante de la demande des clients et la gestion des ressources
- Le coût, qui consiste à satisfaire les trois autres critères tout en contrôlant et en réduisant le coût total
L’hypothèse est que l’amélioration des performances globales dans ces domaines signifie que les compétences et les capacités des personnes s’améliorent ; cependant, il existe également des indicateurs secondaires, tels que le plan de formation d’un groupe (qui indique l’importance du développement des compétences pour le leadership), l’enquête auprès des employés (moral), le niveau de participation au système de suggestions dans un groupe (soutien du leadership aux activités des employés) et le registre des présences.
Exigences pour les leaders
La philosophie de Toyota en matière de leadership s’inspire en partie du matériel élaboré à l’origine aux États-Unis par la War Manpower Commission. Un grand nombre des compétences enseignées par Toyota était spécifiquement mentionné dans le matériel de Training Within Industry (TWI) sur les relations professionnelles, les méthodes de travail et l’instruction professionnelle. Le TWI a identifié cinq caractéristiques nécessaires aux leaders et nous en avons ajouté une sixième, qui est peut-être la plus importante : la volonté et le désir de diriger. Aussi étrange que cela puisse paraître, nous voyons des personnes dans des rôles de « managers » n’ayant pas le désir de diriger. Sans le désir de leadership, toutes les autres compétences resteront largement inutilisées.
Voici les cinq caractéristiques d’un leader telles que définies par le TWI, avec une sixième ajoutée avec le Lean :
- Volonté et désir de diriger
Cette première caractéristique peut sembler évidente, mais il y a une différence entre le désir d’avoir un emploi ou un poste et le désir de vraiment être le leader. Les autres caractéristiques sont nécessaires pour être un grand leader, mais une personne ne doit pas nécessairement posséder toutes ces caractéristiques lorsqu’elle obtient le poste. Il lui suffit d’avoir le désir et la volonté d’apprendre et de développer les autres compétences. Le rôle du leader d’aujourd’hui est très différent du rôle de « superviseur » d’autrefois. Le leader doit motiver et inspirer les gens à réaliser de grandes choses.
- Connaissance du travail
Il s’agit du genre d’informations et de compétences spécialisées requises pour effectuer le travail dans un secteur. Les chefs doivent connaître les matériaux, les machines, les outils et les étapes de production. Ils doivent également posséder les connaissances techniques de chaque opération dans leur secteur, et savoir comment effectuer chaque opération. Sans cette capacité, le responsable ne peut garantir un travail effectué correctement et conformément aux normes. Cette exigence manque à certains dirigeants en dehors des véritables entreprises Lean, avec l’hypothèse implicite que des compétences générales en gestion peuvent pallier un manque de connaissances professionnelles approfondies.
- Responsabilités du poste
Un leader doit connaître son rôle. C’est-à-dire qu’il doit se tenir au courant des directives, des procédures, des réglementations en matière de santé et de sécurité, des plans et des relations interservices de l’entreprise. Les leaders doivent comprendre les politiques et les procédures, les communiquer aux membres de leur équipe et les respecter.
- Capacité d’amélioration continue
Un leader doit constamment analyser le travail de son secteur, en cherchant des moyens de combiner, de réorganiser et de simplifier les tâches afin de mieux utiliser les matériaux, les machines et la main-d’œuvre. La majeure partie du rôle d’un leader est d’encourager son personnel à développer une amélioration continue dans la pensée et l’action. La majorité des personnes au sein de l’organisation dépendent du chef de groupe. Par conséquent, la plupart des améliorations et des avantages proviennent du chef de groupe qui encourage l’activité au sein de l’équipe. Il est plus important d’avoir de nombreuses petites améliorations quotidiennes que d’avoir peu d’améliorations majeures.
- Aptitude à diriger
Un leader doit être capable de travailler avec les membres de l’équipe pour qu’ils atteignent les objectifs de l’entreprise. Le leader doit être capable de « traduire » les objectifs généraux de l’entreprise en activités spécifiques que son équipe doit réaliser pour réussir. Comme un entraîneur, il élabore le « plan de marche » et aide l’équipe à le mettre en œuvre. Il doit fournir un soutien et un encadrement aux membres de l’équipe. Le leader doit avoir la capacité de planifier et de programmer les besoins en formation, ainsi que d’assurer le suivi et de veiller à la réussite de la formation.
- Capacité à enseigner
L’une des principales fonctions du leader est d’enseigner aux autres. Quel que soit le niveau de diplôme ou de connaissances d’une personne, sans capacité d’enseignement, le leader n’est pas en mesure de les transmettre aux autres. Si les compétences et les connaissances ne se transmettent pas aux autres, l’organisation ne pourra pas se développer et prospérer.
Sélection des leaders
Au Japon, les employés de Toyota qui entrent dans l’entreprise au niveau de membre d’équipe (horaire) dans la production resteront à ce poste pendant un minimum de 10 à 15 ans. Ensuite, s’ils se qualifient, ils accèdent au rang de chef d’équipe. Une autre période de 10 à 15 ans en tant que chef d’équipe permet d’acquérir les compétences nécessaires pour devenir un chef de groupe. C’est le dernier poste pour beaucoup. Certains accèdent au rang de contremaître général chargé de superviser et de coordonner les activités des chefs de groupe.
La plupart des entreprises qui débutent dans la voie de la production Lean n’ont pas le luxe de disposer d’autant de temps. Ce que l’on voit généralement en Europe, c’est un jeune diplômé de l’enseignement supérieur propulsé à un poste de chef de ligne avec peu de formation et pratiquement aucun mentorat ou conseil. Ce problème est aggravé par le temps de rotation assez rapide, deux ans semblant être une longue période, et par le fait qu’il n’y a pas de système en place dans lequel s’insérer. Chaque nouveau dirigeant doit « apprendre les ficelles du métier » et développer des méthodes pour gérer les problèmes quotidiens. Nous avons tous été témoins de l’agitation créée par l’arrivée d’un nouveau dirigeant qui impose sa propre marque en établissant de nouvelles attentes et procédures ce qui est contraire au Lean basé sur une stabilité et une amélioration continue.
L’alternative est de promouvoir l’interne, lorsque c’est possible. Mais franchement, il est difficile de trouver des candidats capables et volontaires en raison des défis du poste. Les personnes qui travaillent dans l’entreprise peuvent constater que les superviseurs ne disposent pas des outils ou des ressources nécessaires, et que les tracas du travail ne valent pas la différence de salaire (dans certains cas, la « promotion » entraîne une baisse du salaire global puisque la rémunération des heures supplémentaires est perdue).
Alors, que pouvez-vous faire ? La première étape consiste à prendre conscience de l’importance du groupe et des chefs d’équipe. Ces postes doivent être considérés comme plus que des tremplins ou des postes dont personne ne veut.
Compétences que doit avoir un Leader
- Compétences et aptitudes techniques
- Adhésion à une équipe (capacité à fonctionner au sein d’une équipe)
- Direction d’une équipe (capacité à diriger une équipe)
- Résolution avancée de problèmes
- Capacité à former
- Sens de l’organisation et gestion du temps (capacité à planifier, à établir des priorités et à déléguer)
- Compétences en matière de facilitation (diriger une activité d’équipe)
- Leadership individuel
- Esprit critique
- Compétences en communication (verbale et écrite)
Développement des leaders
Vous ne pourrez peut-être pas consacrer autant de temps que Toyota au processus de sélection des leaders, mais vous devriez pouvoir vous inspirer de ces idées. Le rôle du leader ne se limite pas à celui d’une personne qui connaît le « travail » et peut accomplir les tâches. Le leader doit posséder des compétences supplémentaires. Si vous pouvez améliorer votre processus de sélection afin d’identifier les personnes possédant la meilleure base de compétences, vous pouvez également mettre en place un processus de coaching pour développer continuellement vos leaders.
Le développement des leaders n’est pas très différent de la formation des opérateurs. Tout d’abord, il faut définir le poste et les compétences nécessaires. Un travail standardisé pour les leaders peut être développé sur la base des « compétences de base » du poste. Par exemple, un leader doit être capable de pratiquer l’amélioration continue. Il est possible d’enseigner une méthode en utilisant la résolution de problèmes comme base, ou en facilitant les activités du cercle de qualité. En effet, un leader doit comprendre les responsabilités de son poste. Les tâches spécifiques qu’il doit accomplir peuvent être décrites. Les leaders potentiels peuvent se voir confier des responsabilités qui leur permettront de tester et de développer leurs compétences dans n’importe quel domaine.
Les compétences et les aptitudes nécessaires au leadership ont été identifiées précédemment. Chaque compétence, activité ou tâche individuelle doit être identifiée et placée sur une matrice, tout comme un calendrier de formation d’un travailleur multifonctionnel. Ensuite, les capacités individuelles du stagiaire dans chaque domaine sont évaluées et les lacunes sont identifiées.
Un plan de formation spécifique doit être élaboré en fonction de ses besoins. Par exemple, pour une personne qui a du mal à animer des activités d’équipe, il faut mettre l’accent sur le développement de cette compétence. On peut lui demander de commencer par animer de petites activités d’équipe, puis de passer à des activités plus importantes au fur et à mesure qu’elle développe ses compétences et sa confiance.
Ainsi, dans certains cas, il est possible qu’on demande une formation externe. En effet, le Lean a des exigences de formation de base pour chaque poste de direction et cette formation s’effectue par l’entreprise ou peut inclure des ateliers ou des séminaires. Le développement interne est la responsabilité du leader actuel. Cela se fait par un mentorat quotidien et en permettant à l’apprenant d’assumer certaines responsabilités avec les conseils du leader (il ne s’agit pas seulement de déléguer). Il est nécessaire de procéder à une évaluation honnête des performances et d’obtenir un feedback continu de la part du leader.
La méthode de formation par l’instruction au travail (TWI) peut également être utilisée comme modèle pour la formation au leadership. Tout d’abord, le formateur (le leader) dit, montre et démontre plusieurs fois la compétence ou le comportement souhaité. Ensuite, l’apprenant doit avoir l’occasion de l’essayer, avec l’aide du formateur. Le formateur évalue la performance et, lorsqu’il est prêt, le participant peut effectuer certaines tâches seul. Le formateur continuera à surveiller les progrès et à réduire progressivement l’encadrement.
Il s’agit d’un processus de longue haleine. En effet, il ne s’agit pas d’une formation de deux semaines suivie d’une remise de diplôme. Si le leader travaille continuellement au développement de son personnel, il doit toujours être prêt à faire face au besoin éventuel de leaders supplémentaires. S’il attend que le besoin se fasse sentir, il n’aura pas assez de temps. Ainsi, ce processus doit être continu et permanent.
Plan de succession pour les dirigeants
Le processus de développement du leadership doit s’appuyer sur un plan de succession. Chaque dirigeant doit former ses N-1 de manière à ce que la transition se fasse toujours en douceur lors des changements de dirigeants.
Cependant, la raison principale du développement des subordonnés est de renforcer le système et de faire en sorte que chaque personne puisse atteindre son plus haut potentiel. C’est un avantage pour tous, car plus il y a de personnes capables d’assumer des tâches de direction, moins vous aurez à vous soucier de chaque détail. Il est également judicieux, pour la force globale de l’entreprise, de disposer de personnes ayant les compétences nécessaires pour occuper des postes à responsabilité. Il faut qu’un minimum de deux personnes se préparent à l’évaluation à chaque niveau et à tout moment. L’idéal serait d’en avoir plus, mais deux est un minimum.
Ensuite, faites un sondage auprès des employés et demandez-leur qui souhaite une formation à des postes de leader. Veillez à ce que toutes les personnes exprimant un intérêt se fassent entendre. Asseyez-vous et discutez du plan avec chaque personne. Expliquez les enjeux personnels qui seront nécessaires pendant le processus de formation. Découvrez quels sont leurs intérêts et quels sont, selon eux, leurs points forts et leurs points faibles. Ne partez jamais du principe que leur niveau de compétence est acceptable. A moins qu’il y ait une expérience directe avec eux dans une situation spécifique.
Il peut être judicieux de travailler d’abord avec ceux qui ont le moins de lacunes en termes de compétences, afin qu’au moins quelqu’un soit prêt. Mais donnez toujours à tous les individus une chance égale de se développer sur le long terme. Cela ressemble au plan du « Job Instruction Training ». Il faut toujours examiner le besoin immédiat et déterminer le moindre effort qui permettra de répondre à ce besoin. Une fois le besoin immédiat satisfait, continuez à travailler avec d’autres personnes pour développer des capacités plus étendues.
Réfléchir et tirer des enseignements du processus
La capacité à former et à développer des leaders au sein de l’organisation est essentielle au développement d’une culture Lean. Toyota investit énormément de temps et d’efforts dans le développement des leaders parce que ceux-ci soutiennent le système. Les questions suivantes aideront à évaluer votre engagement à développer le talent des leaders.
- Réfléchissez à la capacité de leadership de l’entreprise. Évaluez les méthodes utilisées pour développer les leaders. Puis, identifiez et énumérez trois choses que vous devrez faire au cours de l’année prochaine.
- Développez une attente de performance mesurable pour vos leaders, basée sur :
L’efficacité du développement des personnes (combien de personnes, quelles compétences, à quel moment)
La capacité à résoudre les problèmes et à améliorer les processus (résultats basés sur les mesures des processus)
Capacité à conduire le changement
Leadership et promotion de la culture d’entreprise
Capacité à former d’autres leaders
- Évaluez la profondeur de votre « banc ». Combien de personnes sont prêtes à assumer chaque rôle de direction dans l’organisation ?
Établissez un plan pour former au moins deux personnes qui occuperont chaque poste de direction au cours de la prochaine année
Inclure une stratégie pour maintenir la profondeur de votre réserve de leadership (plan à long terme)
- Évaluez votre processus actuel de sélection des managers
Identifiez une amélioration qui apportera un plus au processus avant de sélectionner le prochain dirigeant
Identifiez les compétences et les caractéristiques de leadership souhaitées
Question à se poser dans le processus de sélection des Leaders:
- La motivation pour occuper le poste
La motivation personnelle de l’individu s’accorde-t-elle bien avec l’entreprise ? Le travail et l’environnement lui apporteront-ils une satisfaction personnelle ? Vous constaterez peut-être que cette personne s’adapte mieux à d’autres emplois ou tâches. - Adhésion aux réunions
La personne a-t-elle la capacité de travailler avec les autres ? Peut-elle participer mais pas dominer, et d’obtenir la coopération et le soutien des autres ? - Leadership en réunion
Cela inclut la capacité à transmettre des idées aux autres et à obtenir un soutien lorsque cela est nécessaire. Avec le Lean on aime faire grandir les leaders, donc les leaders potentiels sont recherchés. - Initiative
La personne est-elle capable de prendre des initiatives ? Peut-elle faire plus que le minimum nécessaire pour atteindre ses objectifs ? Ou attend-elle qu’on lui dise ce qu’il faut faire ? Entreprend-elle des actions au-delà de ses limites sans approbation (non souhaitable) ? - Aptitude au travail
La personne a-t-elle déjà effectué ce type de travail ? Si ce n’est pas le cas, a-t-elle une expérience similaire ? Comme des réparations domestiques ou la publication d’un bulletin d’information pour une église ou un groupe civique ? - Capacité d’adaptation
Le Lean se base sur l’amélioration continue, ce qui signifie un changement continu. Les gens doivent être capables de gérer diverses situations, tâches et personnes. - Capacité à identifier et à résoudre les problèmes
De nombreuses personnes peuvent repérer les problèmes. Sont-elles capables d’apporter des solutions ? Attendent-elles des autres qu’ils résolvent le problème à leur place ? - Rythme de travail
Le candidat de comprend-il la future exigence de travail et sait dans quoi il s’engage ? - Compétences en communication
S’exprime-t-il clairement ? Communiquent-ils efficacement leurs idées ? Sont-ils capables de comprendre les questions et d’y répondre de manière précise ?
Développer les membres de l’équipe pour les rôles d’encadrement
La sélection des membres de l’équipe pour des rôles de leadership est une question essentielle. En effet, les leaders se chargent d’enseigner et d’encadrer les autres. Ils doivent transmettre le message à la prochaine génération. Ils sont également responsables du maintien des opérations quotidiennes et de l’amélioration continue. Les leaders potentiels sont soigneusement examinés pour les traits qu’ils possèdent et pour leur potentiel de développement. Comme pour toutes les décisions importantes, Toyota fait un effort considérable pour choisir judicieusement les futurs dirigeants.
Un membre de l’équipe qui souhaite être promu au poste de chef d’équipe doit faire une demande officielle. Pour que sa candidature soit prise en considération, le membre de l’équipe doit avoir un excellent taux d’assiduité. Il doit également avoir reçu au moins la mention « satisfait aux exigences » lors de son dernier examen de performance. Cependant, un membre de l’équipe ayant des mesures correctives en suspens ne peut pas participer.
Formation spécifique pour les futurs chefs d’équipe chez Toyota
Chez Toyota, tous les futurs chefs d’équipe doivent suivre une formation spécifique à la résolution de problèmes, au Job Instruction Training (instruction au travail) et à l’animation de réunions. Chaque cours comporte un exercice sur le lieu de travail qui doit être complété et revu par le chef de groupe, puis soumis au service de formation pour examen final. Enfin, l’on attribue une « note » finale pour chaque cours, pour comparer les compétences des autres candidats.
Par ailleurs, la capacité à établir des relations avec les autres membres de l’équipe est un aspect essentiel du rôle de chef d’équipe, et les autres membres du groupe de travail évaluent chaque candidat au cours d’un processus d’évaluation par les pairs. En effet, les pairs évaluent le candidat sur ses compétences interpersonnelles, son assiduité, ses connaissances professionnelles et ses habitudes de travail sécuritaires. L’objectif n’est pas de créer un concours de popularité. Mais de permettre à tous les pairs de participer au processus d’évaluation. Dans de nombreuses entreprises, les collaborateurs se plaignent souvent que la direction « choisit qui elle veut ». De ce fait, le processus d’évaluation par les pairs permet d’équilibrer tout parti pris potentiel de la direction.
Processus de sélection des futurs leaders et entretien
Enfin, les notes obtenues lors des cours de formation, de l’évaluation par les pairs et de l’évaluation des performances sont comparées à celles d’autres collaborateurs du même service (dans certains cas, la sélection est limitée aux personnes possédant des compétences professionnelles spécifiques), et les plus performants sont sélectionnés pour un entretien. L’entretien est de nature similaire à l’entretien mentionné précédemment pour l’embauche initiale et est noté. Les notes finales sont placées sur une matrice, et une décision finale est prise par consensus mutuel.
Formation préalable et avantages associés
Ensuite, après la sélection, le nouveau chef d’équipe doit se former aux aspects spécifiques du poste. De nombreux chefs de groupe ont un processus de développement de présélection qui permet à un collaborateur de l’équipe de développer les compétences nécessaires avant la promotion. En effet, le collaborateur remplace le chef d’équipe en cas d’absence et, dans de nombreux cas, travaille directement avec lui pour apprendre le métier. Les tâches et les compétences requises des chefs d’équipe s’inscrivent dans un calendrier de formation des travailleurs polyvalents, et tous les candidats à la pré promotion se forment à l’exécution de ces tâches. Ainsi, cela permet un transfert pratiquement sans faille au nouveau manager.
Bénéfices de la formation préalable aux rôles de leaders
La formation préalable des individus à des rôles de chef présente également d’autres avantages. En effet, les stagiaires ont l’occasion de relever de nouveaux défis et de se développer. Ils ont également l’occasion de « tâter le terrain » pour décider si le rôle les intéresse vraiment. Ce qui réduit le nombre de personnes qui décident plus tard que le poste ne leur convient pas. Les employés peuvent ainsi se mettre à la place de l’autre et apprécier ce qu’un leader fait. Ensuite, même s’ils n’obtiennent jamais de promotion, ils ont plus de respect pour le rôle et ses difficultés.
Comme susmentionné, certains employés sont des leaders nés, d’autres peuvent apprendre à le devenir. Le seul élément que l’on ne peut enseigner, c’est le désir. Il convient de noter que le rôle d’un leader va au-delà de l’exécution simple des tâches quotidiennes. Il exige des compétences spécifiques et une vision holistique de la gestion. Ainsi, afin d’identifier les individus dotés de la base de compétences nécessaire, il faut améliorer les processus de sélection. La mise en place d’un processus de coaching continu s’avère essentielle pour développer et affiner constamment les compétences du leadership.
Pascal CHALOYARD
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Master Black Belt Lean Six Sigma.
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Ingénieur INSA Génie Mécanique, 40 ans d’expérience industrielle.
– A dirigé un bureau d’études industrielles avant de déployer le Lean et le Six Sigma dans un grand groupe à l’échelle Européenne.
– Il coache les Black Belt et les Green Belts avec une expertise des outils d’amélioration continue notamment le Lean.