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Comment évaluer un talent ou un candidat et prédire au plus près sa performance dans le poste ? Entretiens, processus de recrutement, tests, prise de références, … les outils d’entreprise sont-ils performants ? Peut-on les optimiser ? La gestion du recrutement est un sujet extrêmement complexe faisant appel à une multitude d’éléments comme le démontre Guy Le Boterf dans son analyse des compétences. Si l’IA (intelligence Artificielle) et le prédictif peuvent jouer un rôle, il n’existe pas d’outil parfait. C’est en fait un agrégat d’indicateurs qui permet de réduire au mieux les risques, et cela dès l’onboarding.
La compétence est un ensemble complexe de ressources
Beaucoup d’organisations disposent de systèmes d’évaluation, mais ceux-ci concernent bien souvent que le candidat, rarement sur ses capacités à naviguer dans l’éco-système interne de l’entreprise pour l’amener à la performance. Dès lors, qu’est-ce qui amène un individu à être performant et de quels équipements/ressources dispose-t-il ? Le Boterf explique que, pour être compétent, l’individu devrait disposer de l’ensemble de ces outils :
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Savoir-faire cognitifs relatifs passent par des tests de raisonnement (verbal, numérique, logique, figural, spatial) injectés dans un système de gestion du recrutement,
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Aptitudes ou qualités relatives au savoir-être,
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Ressources émotionnelles,
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Ressources physiologiques nécessaires à certains métiers non modifiables (travail de nuit, port de charge, endurance aux déplacements etc.),
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Connaissances générales liées à la formation de base,
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Connaissances spécifiques à l’environnement professionnel que l’entreprise doit fournir en partie,
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Savoir-faire opérationnels détectables en cours d’entretien ou via l’AC (Assessment Center),
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Des connaissances procédurales vécues dans une autre entreprise,
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Des connaissances et savoir-faire expérientiels relatifs au contexte de l’écosystème affronté.
Gestion du recrutement : la prédictivité d’un système d’évaluation
Questionner la prédictivité d’un processus de recrutement n’a rien de révolutionnaire, mais cache bien souvent une approche marketing pour « habiller » l’intégration des algorithmes, des Big Data et autres systèmes informatiques d’appui à la décision. Or, tout n’est pas appréhendable dans le recrutement et un process « idéal » n’existe pas ! D’autant qu’une partie des ressources nécessaires à la performance sont à la charge de l’entreprise. De fait, la performance est la conjonction, pour moitié, d’un bon recrutement, mais aussi d’un parcours d’intégration réussi.
Certes, des outils d’évaluation peuvent soutenir la prédictivité de certains recrutements, mais il faut une énorme dose de modestie. D’après la synthèse de Robertson & Smith (2001), le meilleur pourcentage est obtenu par l’entretien structuré doublé d’un test cognitif. Il atteint – seulement – un score de 0,63. Réduisant ainsi la possibilité de se tromper à 4 chances sur 10. Reste à lever les doutes du RH et l’aider à choisir le meilleur outil pour l’écosystème de son organisation.
Le profil idéal n’existe pas
Il faut se méfier des systèmes tout faits : si l’IA ne peut définir de profil idéal, elle peut cependant aider à concaténer certains éléments pour générer des indicateurs utiles à une BI (Business Intelligence). Cela amène l’organisation à questionner sa définition d’un « talent performant idéal ». Après avoir qualifié toutes les ressources de ce profil idéal, la question devient : que peut-on évaluer et avec quel outil ? Ce qui est sûr, c’est qu’il faudra plusieurs outils et plusieurs questionnaires, avec une bonne psychométrie.
L’IA pourra ainsi consolider les résultats d’outils de mise en situation virtuelle, de serious games, de tests de personnalité, de tests cognitifs etc. pour livrer la vision la plus exhaustive possible d’un profil type correspondant aux besoins de l’entreprise recruteuse. Ainsi, une solution toute faite pour recruter des commerciaux performants n’existe pas. l’IA peut être un outil d’aide à la décision mais pas de sélection.
Le cas de la transférabilité sectorielle
Un candidat présentant une bonne expérience d’encadrement de collaborateurs ne constitue en aucun cas une garantie de réussite managériale pour une structure recruteuse. La transférabilité est un sujet extrêmement important, car compliqué. Ainsi, un bon manager avec 10 ans d’expériences réussies et de bonnes références doit se positionner en regard d’un contexte potentiellement complètement différent et plus challengeant. S’il a été manager-coach de nouveaux techniciens, comment se comportera-t-il en face de techniciens expérimentés, avec des savoir-faire expérientiels plus puissants ? Où va-t-il trouver sa crédibilité ? C’est un vrai sujet de recrutement.
La définition des compétences passe-t-elle par le brief de poste ?
Un brief de poste précis et en cohérence avec le marché aide dans la gestion du recrutement. Cependant, il peut aussi brider les initiatives du collaborateur, voire diminuer la souplesse et l’ouverture d’esprit du recruteur. Mais cette posture peut masquer une réalité :
– La répétition de schémas,
– De stéréotypes,
– De croyances par le recruteur qui a du mal à sortir d’une zone de confort ou de certitudes.
Or, une culture managériale d’évolution s’entretient aussi, de même que la polyvalence et la pratique holacratique. Une organisation ne doit pas jamais rester immobile !
En quoi la pandémie change-t-elle la notion de marque employeur ?
Dans l’édition 2021 du baromètre des DRH, une enquête Gras Savoye Willis Towers Watson, RH&M et ABV Group indique que, pour 9 DRH sur 10, le développement des compétences des salariés est une priorité. L’enquête soulève cependant un paradoxe : la marque employeur présenterait une baisse significative (de 91 % en 2020 à 78 % en 2021). « Sachant que les DRH prévoient une baisse des recrutements cette année, c’est logiquement que l’attractivité perd en importance » indique l’article.
Or, l’attractivité – la possibilité de mobilité par l’évolution des compétences – passe aussi par le choix des bons talents. La marque employeur est le fruit d’une action de communication concertée. Le vrai défi pour l’organisation consisterait plutôt à adapter le contenu de sa marque employeur en capitalisant sur les leçons apprises de la pandémie. Désormais, la sécurité est devenue un élément différenciant de la marque employeur, de même que le télétravail.
La performance du recrutement se construit grâce aux workflows
Les entreprises qui ne s’outilleront pas en mettant en place des protocoles digitaux – télétravail, formation, campagnes d’entretiens structurés etc. – avec les solutions adéquates intégrant de bonnes pratiques managériales risquent de perdre en attractivité auprès de futurs talents. Car, bien avant les tickets-restaurants, les primes, la voiture de fonction, la question des ressources numériques sera en haut de la liste ! Une organisation capable de faire valoir à ses collaborateurs qu’il n’y a pas eu de rupture opérationnelle (par exemple en matière de gestion de formation et de circulation de l’information) sera bien armée pour aider ses collaborateurs à monter en compétences. Et les équipes RH se doivent de relever le challenge en offrant cette sécurité aux talents potentiels.
Gestion du recrutement : la fonction RH doit s’affirmer auprès de la gouvernance
Dans beaucoup de PME – où le décideur est le dirigeant – la RH est moins présente au Codir. Or, une de ses missions majeures devrait consister à prouver la rentabilité de ses actions, à oser parler de ROI, de risques anticipés et/ou évités. Une promotion interne bien structurée doit pouvoir être chiffrée, de même que le coût d’un recrutement, qui sont autant d’arguments susceptibles de positionner la fonction comme un véritable Business Partner de la gouvernance. Alors, la recherche de budget pour digitaliser la politique de mobilité interne ne devrait plus être un sujet.
Loïc CLAIRE
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Consultant RH depuis 1998.
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Psychologue spécialisé en ingénierie des organisations et de la formation.
Loïc bénéficie de plus de 20 ans d’expérience dans la mise en place et/ou l’optimisation des processus RH (recrutement, mobilité, gestion des talents, GEPP, …). Il accompagne les clients HRMAPS de l’audit des processus en vigueur dans l’entreprise à la mise en production de l’outil SIRH.