Table des matières
- Promotion managériale ou fidélisation d’experts ?
- Prédictivité des systèmes de recrutement
- Les enjeux d’un recrutement en interne
- Attention aux biais !
- Comment limiter de coûteuses erreurs de casting ?
- Un accompagnement est indispensable
- Comment réduire le risque d’échec dans la prise de fonction managériale ?
La prise de fonction managériale, c’est une situation assez courante en entreprise : un expert technique expérimenté dans une société du secteur industriel est promu chef d’équipe. Ayant développé ses compétences d’expert ou techniques en accumulant des formations, il est reconnu par ses pairs. Une promotion lui est accordée par sa hiérarchie avec laquelle il est en bons termes. Cependant, sans formation au management d’équipe, il n’est pas capable de prendre la pleine mesure de son poste, car il reste focus sur son activité d’expert et délaisse les tâches de gestion, de planification et d’engagement. Bilan : il s’avère incapable de motiver ses troupes. La grogne et la désorganisation s’installent dans l’équipe. Ce sujet présente de multiples facettes : risque de duplication de profils similaires, manque d’efficacité des systèmes prédictifs, défaut de compréhension des enjeux internes, risques de biais, etc.
Heureusement, il existe des solutions, comme la définition de soft skills prioritaires et la mise en œuvre d’un système d’évaluation objectif, des candidatures internes dans le cadre des mobilités, la systématisation de formation et d’un processus d’accompagnement à la prise de fonction managériale, etc.
Promotion managériale ou fidélisation d’experts ?
Le postulat selon lequel une personne connaissant la technicité du métier serait crédible aux yeux des équipiers qu’elle va manager n’offre qu’une petite partie de la solution. À la crédibilité technique et métier s’ajoutent les aptitudes managériales et/ou les soft skills requis en termes de personnalité. Ce pilier de la crédibilité par l’expertise est ancré et incontournable en France. Or, un futur manager devrait être crédible en tant que manager, pas en tant qu’expert d’un métier !
Il est possible qu’un bon manager dans un cadre donné ne corresponde pas à des attendus dans une situation différente. Ainsi, manager une équipe recrutée de toutes pièces autour des mêmes profils, les former et les diriger est (relativement) facile. Par contre, encadrer des techniciens ayant 20 ans de boîte et qui connaissent tous les arcanes de leur métier constitue un défi d’une complexité bien plus grande.
Force est de constater que la promotion managériale dans le milieu industriel consiste bien souvent à fidéliser des experts techniques qu’on ne veut pas voir partir à la concurrence. Comme ils sont difficiles à recruter, la seule promotion évidente en matière d’ascension hiérarchique dans l’entreprise est … le management.
Résultat : on fabrique des tribus de petits chefs qui risquent d’être en délicatesse avec leur fonction.
Prédictivité des systèmes de recrutement
Robertson et Schmidt ont travaillé sur la validité prédictive de la performance de différents systèmes de recrutement. Pour eux, l’amplitude débute à 2% pour la graphologie et grimpe à 63% pour un processus intégrant un entretien structuré accompagné d’un test en milieu de travail. Aucun protocole ne dépasse 70%, ce qui signifie que l’employeur a une chance sur trois de se tromper, même avec un processus de recrutement plutôt correct. Le cumul des outils et des process réduit donc les risques d’une erreur de casting.
Lors d’une mobilité interne et d’une promotion d’un manager, la recommandation peut intervenir, mais rarement des tests, ou des entretiens. Le processus repose sur énormément d’aléatoire. D’après notre expérience, on constate que :
- 30% sont des managers-nés disposent de soft skills innés
- 30% ont du potentiel qui, s‘ils sont accompagnés, pourront franchir l’étape
- 40% sont des erreurs de casting qui ne pourront jamais assumer la fonction de manière correcte
Les enjeux d’un recrutement en interne
Les avantages au recrutement interne sont multiples : gain de temps pour l’entreprise, adaptabilité du salarié, coût moins élevé, valorisation du capital humain et de la marque employeur. Cependant, plusieurs facteurs sont à considérer, comme le coût de formation devant répondre aux attentes du nouveau poste, ou encore l’égalité objective des chances d’évolution. Les biais sont nombreux et un audit sera précieux.
Le but est d’analyser tous les rouages d’une promotion : est-ce qu’il existe un système formalisé de promotion interne ? Est-il alimenté par les bonnes données ? Sont-elles structurées de façon objective ? Y a-t-il une traçabilité dans le temps (car on ne juge pas la capacité d’une personne sur une année) ? A-t-on accès à tous les entretiens et évaluations, à une plateforme pour passer des tests objectifs par rapport à la prédictivité de performance ? À cela, s’ajoute un plan d’intégration, d’évolution, de formation pour accompagner la personne qui évolue dans une position managériale.
Attention aux biais !
De nombreux « agents polluants » peuvent venir obscurcir l’objectivité des équipes de recrutement. Citons ainsi :
- Le biais de Zajonc (ou « effet de simple exposition ») qui se caractérise par l’augmentation de la probabilité d’avoir un sentiment positif vis-à-vis de quelqu’un par l’exposition répétée à cette personne. Habitude, sympathie, facilité sont autant de risques en matière de recrutement
- Le biais de confirmation et du champion : la crédibilité d’expert ou de champion peut confirmer un jugement positif. Or, le choix d’un candidat providentiel affecte l’objectivité du recruteur. Les exemples sont légion dans le monde sportif : le footballeur Michel Platini, devenu sélectionneur, n’a pas été capable de qualifier l’équipe de France pour la coupe du monde 1990 ni de briller lors du Championnat d’Europe de 1992. Le basketteur Michael Jordan, devenu responsable de l’équipe des Washington Wizards, s’est fait licencier par le propriétaire pour cause de résultats mitigés
- L’effet d’excès de confiance et son corollaire l’effet Dunning-Kruger : un expert peut se sentir tellement en confiance au point de s’imaginer « manager » sans être objectivement apte pour cela. L’excès de confiance envers un expert technique reconnu et valorisé depuis plusieurs années peut masquer l’absence d’expérience concrète en management et l’ignorance des subtilités de la fonction
Comment limiter de coûteuses erreurs de casting ?
Le coût d’un recrutement raté se situe entre 20 et 200k€ :
- 150+ k€ pour un poste de dirigeant
- 50+ k€ pour un cadre
- 30+ k€ pour un technicien
Ces sommes comprennent les coûts :
- Du recrutement (annonce, cabinet extérieur, tests, temps passé par les RH, coûts administratifs et logistiques…)
- De la rémunération (salaire, primes, mutuelle, voiture de fonction…)
- Du coût du maintien en poste (équipements informatiques, assistanat…)
- Du coût du licenciement (indemnités, frais d’avocat, outplacement, déficit d’image…)
- Des erreurs business et opportunités manquées – crucial dans le cas d’un cadre commercial – du déficit de productivité des équipes sans oublier d’autres coûts cachés
Les répercussions sont nombreuses : démotivation des collaborateurs, absence de fidélisation, sollicitation des RH pour éteindre d’éventuels feux relationnels, mobilisation de la hiérarchie pour couvrir des zones d’incompétences, etc. Le risque d’un retour en arrière se voit comme un échec, ou, pire, la hiérarchie ignore les signaux forts et faibles en mettant en place des actions de développement avec évaluation, coaching, formation management qui, parfois, cachent la volonté d’effectuer un constat par un tiers de l’impossibilité de continuer dans la fonction.
Un accompagnement est indispensable
La non-réussite d’un processus de mobilité ne doit pas empêcher l’accès à moyen ou long terme à une fonction managériale. Le constat est souvent mitigé : aujourd’hui, les managers ne sont pas ou peu accompagnés. Attention avant de promouvoir quelqu’un à l’instinct dans le cadre d’une logique court-termiste !
L’expert technique, pro du terrain qui devient manager, consacre un temps très faible à faire du management pur, car il cède souvent à son instinct consistant à continuer de faire le travail des personnes qu’il encadre. Or, cela ce qui tire l’entreprise vers le bas, car il ne sait pas prendre de la hauteur, ni faire grandir ses collaborateurs.
Comment réduire le risque d’échec dans la prise de fonction managériale ?
Plusieurs mesures aideront à réduire le taux d’échec en allant au-delà de la seule crédibilité technique :
- Définir les critères et priorités clés adéquates d’un bon manager dans l’organisation
- Intégrer des évaluateurs sans l’historique du candidat interne
- Mettre en place des outils digitaux pour évaluer les critères prioritaires (entretiens, mise en situation, tests ou questionnaires, etc.)
- Développer une culture de la mobilité professionnelle allant au-delà de l’ancienneté, de l’évolution hiérarchique, et de la seule légitimité technique
Loïc CLAIRE
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Consultant RH depuis 1998.
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Psychologue spécialisé en ingénierie des organisations et de la formation.
Loïc bénéficie de plus de 20 ans d’expérience dans la mise en place et/ou l’optimisation des processus RH (recrutement, mobilité, gestion des talents, GEPP, …). Il accompagne les clients HRMAPS de l’audit des processus en vigueur dans l’entreprise à la mise en production de l’outil SIRH.