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3 questions à Pascal Chaloyard Master Black Belt Lean Six Sigma
1 – Les managers sont en première ligne pour entretenir le lien social avec les collaborateurs. Les mois à venir s’annoncent donc cruciaux pour les entreprises !
En quoi le Lean management peut-il les aider à remobiliser les collaborateurs ?
Le travail à distance a nécessité un « Learning by doing » des managers à distance, qui ont dû apprendre à autonomiser leurs collaborateurs en développant leurs « soft skills ». Les équipes formées au Lean management et habituées au participatif ont mieux vécu cette période. La question de l’engagement n’est pas nouvelle, notamment en ce qui concerne les « Millenials ». Mais avant de penser à remobiliser les collaborateurs, l’entreprise devrait dresser un état des lieux des problèmes potentiels.
Ensuite, elle pourra réfléchir à ses objectifs à court et moyen terme. Le retour à la pleine activité ne se fera pas en gommant 55 jours de confinement, un conditionnement médiatique anxiogène et un lien social parfois non entretenu. Managers et RH jouent donc un rôle primordial dans l’acceptation du changement. Le facteur de masse usuel suggère un seuil nécessaire d’adhésion à 33%.
Première étape pour l’entreprise : évaluer les talents sur lesquels elle peut se reposer dans le cadre d’une création de valeur pour ses clients internes et externes. L’outil « Field Force Analysis » pourra renforcer ses forces et réduire les freins. Cependant, se contenter de lever des freins ne suffira pas à relancer l’activité. Il faut des idées motrices, bien plus que des budgets.
Quelles leçons peuvent-ils tirer du management à distance ?
Les techniques de « Lean Leadership » permettent d’insuffler de la confiance et de donner un sens au travail en renforçant la connexion entre employés et clients. Sens de l’accomplissement et amélioration continue constituent deux forts facteurs de motivation pour le manager au centre de ce dispositif. Ce dernier devra par exemple faire comprendre à ses collaborateurs ce que la prévention des défauts représente à la fois pour le client, l’entreprise et l’opérateur. Le psychologue américain Frederick Herzberg (1923-2000) indiquait que le sentiment de progression motive plus que le gain amassé ou la certitude de son talent inné. Dans un monde Lean, le sentiment d’appropriation de l’outil de travail (« ownership ») est fort.
L’engagement passe aussi par la célébration des succès, la mise en avant des gains acquis, le partage et la prise en compte des idées sur des sujets impactant directement les collaborateurs comme par exemple la réduction des gaspillages. Faire deux fois les mêmes choses, recevoir ou fabriquer de mauvaises pièces sont autant de facteurs de démotivation. Les collaborateurs apprennent beaucoup des autres en se challengeant. Le résultat est la création de valeur en équipe via le « Lean thinking ». Résultats et indicateurs seront clairement visibles par les employés dans des « PMZ » (Production Management Zone) ou « AVP » (Animation Visuelle de Performance).
2 – Le confinement a été vécu différemment selon les activités. Ainsi, la reprise en production est plus problématique que pour le secteur des services
Quelles bonnes pratiques Lean les chefs d’équipes peuvent-il mettre en œuvre en termes d’organisation et suivi du travail ?
Le travail de chef d’équipe doit évoluer vers une approche participative. Une approche Lean humaine du travail visant à réduire l’écart entre attentes et besoins, permet de revisiter complètement le système vertical traditionnelle. Certes, la production, les budgets et les prévisions de vente sont importants. Mais ces données restent trop souvent dictées par des services méthodes et maintenance déconnectés de la réalité du terrain.
Or, faire appel à l’ingéniosité et au bon sens des gens est bien plus constructif pour retrouver la performance.
A cet égard, le rôle du chef d’équipe, du contremaître, du superviseur va évoluer vers plus de collaboratif en matière de résolution de problèmes. Plus qu’un gestionnaire, il est appelé à devenir « team leader », tel un coach sportif. Pour ce faire, il doit connaitre le travail de toute son équipe, être polyvalent et capable de remplacer n’importe quelle personne.
3 – Certaines organisations ont mis en œuvre un plan de reprise progressive d’activité. D’autres seront contraintes de maintenir le travail à distance pendant plusieurs mois
Cela questionne les futures pratiques managériales et les plans de formation. Comment les DRH peuvent-ils maintenir l’engagement des collaborateurs en télétravail pendant l’après confinement ?
Le télétravail était déjà plus ou moins utilisé mais toujours avec parcimonie par une gouvernance craignant une baisse de performance.
La technologie a démontré des bénéfices organisationnels concrets permettant de s’affranchir de la distance. Beaucoup de collaborateurs se servent quotidiennement d’outils informatiques connectés. La machine à café, la cantine, quelques réunions hebdomadaires et les contrôles hiérarchiques restent les seuls contacts humains. Certes, ce mode d’organisation du travail ne doit pas exclure les rencontres physiques. La pratique du Lean management permet de répondre en partie aux préoccupations des DRH, notamment en matière de collaboratif.
Ainsi, dans une salle appelée « Obeya » – désormais digitalisée – se déroulent des meetings quotidiens participatifs de 15 mn pour évoquer les activités de la veille ou de partager des problématiques avec l’équipe. L’obeya permet de visualiser la production dans son ensemble, d’en révéler les problèmes, de réagir immédiatement ou encore d’améliorer collectivement des pratiques. L’équipe se fédère à travers une identité commune, la redistribution en temps réel des ressources, la création de valeur, et, au final, l’engagement.
PASCAL CHALOYARD
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Master Black Belt Lean Six Sigma.
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Ingénieur INSA Génie Mécanique, 40 ans d’expérience industrielle
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– A dirigé un bureau d’études industrielles avant de déployer le Lean et le Six Sigma dans un grand groupe à l’échelle Européenne.
– Indépendant depuis une dizaine d’année, il forme et coache les dirigeants, les Black Belt et les Green Belts avec une expertise dans la conduite du changement et les outils d’amélioration continue notamment le Lean.