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Interview : Management des talents [Remédier au gaspillage des talents avec le lean]
1. La pandémie et le télétravail ont révélé les limites de certaines modes de management. Engager les équipes à distance est une démarche complexe. Les temps actuels constituent cependant une belle opportunité pour révéler l’agilité des collaborateurs. Quelles mesures propose le Lean Management pour aider à libérer des potentiels inexploités et éviter de gaspiller des talents ?
Désormais, le management s’appréhende autrement car l’entreprise a besoin de leaders plus que de chefs. Dans un monde idéal, le chef éclairé sait s’entourer de personnes compétentes. Il fait avancer des sujets et l’organisation dans son ensemble, et ne domine pas sans partage. Le fait de libérer le potentiel imaginatif des collaborateurs, d’impliquer tous les échelons (production, non-administratif, administratif, management intermédiaire, gouvernance) dans la résolution de problèmes génère des cycles perpétuels de réflexion apportant de la valeur ajoutée en continu à l’entreprise.
Coordonner ces flux nécessite donc de nouveaux modes de management pour gérer les capacités des collaborateurs à identifier et résoudre des problèmes. La digitalisation contribue à les libérer de tâches chronophages et rébarbatives. Le Lean incite à la prise de recul et placer l’humain au centre d’une réflexion pour améliorer des processus. Le coût en est largement compensé par des gains notables en « QCD » (qualité, coûts, délais).
Le « Lean Thinking » pour le management des talents :
Le « Lean Thinking » permet ainsi à la RH et aux managers de proximité d’éliminer les tâches d’un processus qui n’apportent aucune valeur ajoutée. Plutôt que de supprimer des postes, ceux-ci peuvent être affectés à cette quête incessante. En effet, le client aura toujours besoin de « plus » (de services, d’options, de produits…). Le cost-killing n’offre par ailleurs qu’une vision court-termiste. Un environnement technologique complexifié nécessite par conséquent des collaborateurs bien formés, pour faire plus et mieux avec autant de moyens.
2. Selon l’enquête Flexter, 36% des dirigeants et DRH interrogés jugent leurs équipes inaptes à développer pleinement leur activité. Comment une RH performante peut-elle provoquer une « révolution intérieure » et se voir reconnue comme Business Partner de la gouvernance ?
La RH et les managers de proximité doivent responsabiliser les collaborateurs en ligne avec les attentes des clients internes/externes. Il s’agit d’insuffler une vision en donnant du sens au travail de façon agile et collaborative. Les animations à intervalles courts (AIC) permettent cela via des chantiers Kaizen, de la résolution de problèmes, du management visuel mettant en évidence la performance et d’éventuels décalages.
Cela implique effectivement un changement de culture dans l’organisation, le « why » prôné notamment par le conférencier Simon Sinek. Tout ceci doit intervenir dans le cadre de processus structurants avec apprentissage, suivi, feedback. Bref, un véritable coaching à tous les niveaux. Cette démarche peut se faire tant au sein d’une PME que d’un grand compte.
Management des talents : C’est la question de leadership qui se pose en réalité !
Les entreprises doivent recruter ou former des leaders sur la base de nouvelles compétences : humilité, soft skills, authenticité, collaboratif… Le manager seul n’a pas réponse à tout et la fiche de poste ne suffit pas ! De plus en plus d’embauches se font non plus sur CV, mais sur la capacité des talents à interagir avec divers métiers. Il faut placer l’humain et le relationnel au sein d’une nouvelle chaîne de valeur en quelque sorte, pour instiller un management par la confiance.
Tests psychologiques mises en situation, interviews vidéos, recours à des pairs métiers sont autant d’outils. Un recrutement mal préparé impactera significativement l’organisation. Des processus RH basés sur une approche Lean doivent permettre de réduire ce risque. La RH doit gérer les compétences, la motivation, l’engagement via les managers de proximité, en étant focalisée sur ses clients : les collaborateurs. Elle doit placer ceux-ci dans des processus d’amélioration continue – qui passent notamment lors des entretiens de fin d’année. C’est comme cela que la RH se posera en véritable Business Partner de la gouvernance, en produisant des indicateurs significatifs d’implication, de formation et de résolutions de problèmes à travers les AIC par exemple. Les points d’entrées sont multiples : une formation au « change management » est un levier intéressant que les RH peuvent utiliser à destination des managers de proximité. La pierre angulaire reste cependant le management des compétences des collaborateurs : analyse de la polyvalence, flexibilité, capacité à l’ownership etc.
3. Concernant la gouvernance, comment peut-elle quantifier le ROI du changement pour aller au-delà du pur cost-kill ?
La question du ROI est délicate : quelle serait la motivation des collaborateurs en l’absence de mesures et l’impact sur la productivité ? Une augmentation de la qualité dans le temps peut transparaître à travers des chantiers Kaizen et des indicateurs tangibles : moins de rebus, moins de réclamations, ce qui permet à l’organisation de se consacrer à la prévention par exemple. Or, le ROI ne transparait pas uniquement dans des gains tangibles. Le coût de la non-modernisation a un impact significatif pour l’organisation car les collaborateurs sont de plus en plus sensibles au confort de travail et aux outils qui leur facilitent la vie. Le gaspillage de compétences peut conduire à des clients insatisfaits, des erreurs répétées, des problèmes non identifiés et des membres d’équipe non engagés. Par conséquent, il est important d’identifier ces gains intangibles pouvant impacter favorablement la Qualité de Vie au Travail (QVT).
La « Voice Of Customer » pour le management des talents
On peut les recueillir par exemple via des campagnes internes permettant de sonder la « Voice Of Customer », d’impliquer tous les clients d’un processus pour identifier les points de douleur, faire remonter des attentes afin de mettre en place des mesures correctives. Cette démarche est génératrice de nombreux indicateurs susceptibles de dynamiser l’expérience collaborateur. Le ROI transparaitra alors à travers ces gains intangibles, avec comme conséquence l’optimisation de la performance.
Pascal CHALOYARD
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Master Black Belt Lean Six Sigma.
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Ingénieur INSA Génie Mécanique, 40 ans d’expérience industrielle.
– A dirigé un bureau d’études industrielles avant de déployer le Lean et le Six Sigma dans un grand groupe à l’échelle Européenne.
– Il coache les Black Belt et les Green Belts avec une expertise des outils d’amélioration continue notamment le Lean.