1. Parlons RH évoque dans une enquête la notion de « manager augmenté » : les technologies doivent faire gagner du temps et aider à la prise de décision. Encore faut-il que les RH soient eux-mêmes sensibles au besoin d’outiller les middle managers. Comment le lean peut-il les aider à « vendre » l’idée du recrutement comme sujet majeur à la gouvernance ?
Apporter de l’IA au manager, mais dans quelle mesure ? Le Lean met l’accent sur les processus, la valeur ajoutée, la réactivité, le zéro défaut. Ce sont autant d’atouts précieux pour la RH et les équipes qui les accompagneront dans la digitalisation de leur processus. Les systèmes appelés injustement IA correspondent plus à des systèmes experts d’aide à la décision.
Se méfier du « marketing des mots »
Agilité et Intelligence Artificielle (IA) sont mis à toutes les sauces. Or, les décideurs ne connaissent jamais vraiment les tenants et aboutissants. L’agilité, c’est du management de projet par boucles incrémentales. Celles-ci permettent aux équipes d’être réactives aux changements de demandes clients. C’est une garantie de réussite des projets. En développement logiciel, nous parlons de « sprint » et en développement produit de « boucles d’apprentissages rapides » (« rapid learning cycles »). Cette pratique s’intègre bien au processus de boucles d’amélioration continue Lean. L’intelligence artificielle est un processus d’imitation de l’intelligence humaine basé sur la création d’algorithmes. La réponse dépend de l’expérience utilisateur et de nouvelles expériences vécues par le système.
Le lean : un système expert levier de performance
L’article de Parlons RH indique que, parmi les 5 activités prioritaires des managers, 4 relèvent de l’humain. Cela concerne la montée des compétences (51%), l’amélioration de la performance individuelle et collective (51%), le recrutement (49%) et la motivation des équipes (46%). L’IA est utile pour soulager le manager de tâches répétitives, à faible valeur ajoutée et chronophages. Des outils qui se servent de l’IA en tant qu’aides à la décision sont précieux à cet égard. En effet, ils prennent en compte des processus à travers la digitalisation, la data, des KPI. Il existe des plans de contrôle pour chaque processus afin d’accélérer la prise de décision.
En matière d’analyse des emplois et des recrutements, les RH doivent « aider à faire »
En tant que service support, la RH est en première ligne et doit pouvoir mettre en forme des contenus de postes. Cela ne peut se faire qu’avec le terrain (« gemba »), primordial pour aider à définir les rôles des managers dans le cadre d’une matrice. Qu’attend-on du manager, des comportements, des résultats requis ? Tout cela est nécessaire pour apporter du sens aux postes, développer une culture d’entreprise digne de ce nom, porter des valeurs sur le terrain et préparer les emplois et les qualifications de demain.
Allant sur le terrain pour analyser des besoins concrets et préparer l’entreprise au futur.
L’objectif primordial de la RH doit consister à préparer l’entreprise aux emplois de demain. C’est la logique de la GPEC (gestion prévisionnelle des emplois et des compétences). Mais il s’agit d’aller bien au-delà des simples fiches de postes. En effet, la RH doit évaluer la capacité du collaborateur à interagir dans un environnement pour anticiper des actions, à s’auto-évaluer pour améliorer ses connaissances.
La digitalisation pour améliorer les processus RH ? Un moyen, pas une fin en soi !
La digitalisation apporte de l’agilité et de la réactivité dans les prises de décision. Or, la gouvernance doit se poser la question de la valeur ajoutée du processus. La digitalisation doit en effet réduire le temps de recrutement et éviter les « erreurs de casting » ayant un impact négatif tant pour le recruté que pour l’équipe. Par conséquent, un outil permettant de dérouler un nouveau processus, plus agile, fluide et fiable ne peut que rencontrer l’approbation d’une gouvernance soucieuse de performance. Réduction du temps de recrutement, du turnover sur les collaborateurs embauchés sont autant d’indicateurs parlants. Le processus de recrutement se prête parfaitement à un mode opératoire lean.
Un processus doit répondre forcément à un besoin d’un client... et embarquer celui-ci
Le lean est à même de satisfaire ce besoin en anticipant la question « what’s in it for me ? » du client pour l’embarquer dans la conception ou la refonte d’un processus de recrutement. En effet, le client doit devenir un acteur du processus, ce qui constitue un bon moyen de lui « vendre ». Le collaboratif a aussi vocation à souder et embarquer des équipes qui seraient réfractaires à la mise en œuvre d’un outil imposé en « top-down ». Avoir le sponsoring de la direction sur un processus interne est indispensable en termes de crédibilité. En matière de recrutement, les bénéfices du lean, via l’andon et le poka-yoké (système d’alarme et de prévention) sont concrets et multiples. Ainsi, le lean apporte une valeur ajoutée structurante grâce à des données d’entrée et de sortie. D’autre part, il fait s’exprimer la voix du client, dope la réactivité, vise le zéro défaut…
2. Le baromètre 2021 Ayming/ AG2RLAMONDIALE fait apparaître que « L’absentéisme a mécaniquement augmenté en 2020 et les entreprises ont besoin de repères pour mieux analyser leurs tendances. » Quelles bonnes pratiques le lean peut-il inspirer en matière de fidélisation et d'apport de sens pour réduire l'absentéisme dans les entreprises ?
Le confinement n’a pas été un vecteur d’absentéisme, mais plutôt le télétravail imposé. Désormais, ce sont les conditions du travail présentiel qui sont remises en question. On observe des gains de productivité suite au travai chez soi. On réduit aussi le temps passé dans les transports. Tout cela peut amener un absentéisme en présentiel. Dès lors, comment augmenter la désirabilité (du poste, de l’entreprise…) ? L’aspect social intervient bien sûr à travers le collaboratif, l’ambiance, mais aussi les valeurs mêmes de l’entreprise. Et le lean trouve parfaitement sa place dans ce contexte, en donnant du relief à ces aspects-là. Par exemple, il permet de travailler sur le contenu d’un poste qui a sans doute évolué pendant les confinements. Il prend en compte les comportements, de nouveaux attendus, de la résolution de problèmes.
Trouver l’adéquation entre la formation du collaborateur personne et le poste
Il est vital de documenter le contenu de poste pour connaître les compétences requises – et les évolutions – à travers un outil adéquat, permettant par exemple d’identifier la future proposition du poste et éviter une sur ou sous-qualification. Un emploi doit refléter des responsabilités plus larges, notamment en résolution de problèmes, prise de décision, orientation client et en potentiel de leadership. Démontrer qu’un poste n’est pas figé mais évolutif représente un fort vecteur de désirabilité, surtout dans une période de reprise progressive suivant une longue crise.
Des données fiables et à jour
L’attractivité de certains secteurs sur lesquels existe une pénurie de main d’œuvre doit passer par le digital. Ce canal aide à moderniser une image contrastée notamment en se substituant à des processus papier générant des pertes de temps préjudiciables. Une meilleure organisation, des données fiables et à jour, du personnel bien formé grâce à des outils performants et un suivi ad hoc sont autant de gages d’attractivité pour les managers, mais aussi pour les équipes de direction.
3. Un billet publié sur le blog RH Info soulignait le besoin des RH à « gagner leur légitimité ». Il ajoutait que « les dirigeants d'entreprise devaient être convaincus », et qu'un important travail de marketing devait être porté par tous. Le lean est-il susceptible de transformer le RH en véritable business partner de l'entreprise ?
La plupart des organisations n’ont pas de processus formels comme une matrice organisationnelle pour la mise en œuvre des compétences. Comment alors viser à l’élargissement des postes ou documenter complètement chaque facette du rendement au travail ? L’un des plus grands défis auxquels est confrontée l’équipe de direction aujourd’hui est de s’assurer que les résultats sont clairs, bien compris et visuels. Quelques exemples de KPI : rapports complétés, efficience, coûts, délais, niveau de main d’œuvre, qualité, sécurité.
Rappeler les valeurs de l’entreprise à travers le contenu de poste
Aller sur le terrain permet aussi de repérer et de faire remonter les sources de motivation, de gérer les besoins à 2 ou 3 ans, bref, à aider la RH à se projeter en ligne avec l’évolution de l’entreprise, à être « people-oriented », et (re)connue des équipes de terrain. Pour ce faire, elle doit documenter le contenu des postes. Certes, la mise en œuvre de nouveaux processus à travers la digitalisation peut s’avérer onéreuse. Mais nul besoin de procéder à une réorganisation structurelle à l’échelle de l’entreprise. On peut commencer par un tout petit processus existant sur le terrain, mais en le traitant de bout en bout et de façon transverse afin de l’optimiser. Ou bien en créant un processus pour répondre à un besoin et ainsi enlever une douleur. Et c’est la capacité de la RH à prendre en main un tel projet – notamment grâce au choix d’un outil adapté en co-construction avec les équipes et les toutes les parties prenantes – en démontrant sa valeur ajoutée qui affirmera un véritable rôle de business partner.
La RH doit se mettre à la portée et au service des clients
Agissant en interface entre la gouvernance et les équipes, elle insuffle la culture d’entreprise auprès des managers. La communication interne est donc primordiale. Tout est lié : une RH motrice de processus, mettant à disposition des outils qui facilitent le travail des équipes. Et cet ensemble dopera la productivité et la performance. C’est ainsi que l’entreprise maintiendra sa désirabilité par exemple à travers les rituels d’entreprise.
Pascal CHALOYARD
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Master Black Belt Lean Six Sigma.
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Ingénieur INSA Génie Mécanique, 40 ans d’expérience industrielle.
– A dirigé un bureau d’études industrielles avant de déployer le Lean et le Six Sigma dans un grand groupe à l’échelle Européenne.
– Il coache les Black Belt et les Green Belts avec une expertise des outils d’amélioration continue notamment le Lean.