Les talents sont le moteur de toute entreprise, c’est l’essence et l’huile qui fluidifie les rouages de son activité. Mais aujourd’hui, ils se font rares, et la concurrence qui se corse n’a fait qu’exacerber la situation, faisant des talents « une aiguille dans une botte de foin ».
Qui n’a jamais rêvé d’avoir sous la main les bonnes personnes au bon moment et au bon poste ? Et si la planche de salut résidait dans la mobilité interne ? Encore faut-il mettre en place une politique et des pratiques favorisant le recrutement en interne !
Mobilité interne, pourquoi et comment ?
1. Mobilité interne, de quoi parle-t-on ?
1.1 Qu’est-ce que la mobilité interne ?
La mobilité interne est une politique visant à puiser des ressources humaines internes de l’entreprise pour recruter des collaborateurs.
Il existe trois types de mobilité interne :
Horizontale
Elle désigne le passage d’un collaborateur d’un poste vers un autre en conservant le même statut sans évolution hiérarchique.
Verticale
Il s’agit d’un changement de poste en interne incluant une évolution professionnelle. Il est généralement accompagné d’une augmentation de rémunération et de responsabilité.
Géographique
La mobilité horizontale et verticale peuvent être qualifiées de géographique. Ceci dans le cas où le collaborateur change de poste, mais également de région ou de pays. Exemple : un cadre en France recruté en interne pour occuper le même poste en Espagne (mobilité horizontale et géographique).
La mobilité interne peut également revêtir deux formes :
Volontaire
La mobilité est une initiative du collaborateur lorsque celui-ci exprime son souhait d’évoluer ou lorsqu’il postule à un poste interne.
Pilotée
La mobilité interne est sollicitée par une personne tierce (manager, direction, responsable RH…)
1.2 Cadre juridique
La mobilité interne dispose d’un cadre légal spécifique qui se concrétise dans la clause et les accords de mobilité.
1.2.1 Les clauses par contrat ou convention collective
Une clause de mobilité est une disposition qui figure dans le contrat de travail ou dans la convention collective, celle-ci explicite les conditions de mobilité géographique prévues pour le poste. Avec la signature du contrat ou de la convention, la nouvelle recrue accepte à l’avance la possibilité de mutation géographique.
Le collaborateur a le droit de refuser la clause si :
- Le délai de prévenance est trop court
- La clause de mobilité impacte d’autres clauses centrales du contrat
- La mobilité porte préjudice à la vie familiale ou personnelle du collaborateur
Même après l’embauche et la signature du contrat, l’employeur peut proposer à tout moment une clause de mobilité géographique. Toutefois, le collaborateur a le droit de la refuser.
1.2.2 Les accords d’entreprise
Il s’agit d’un accord entre l’employeur et le collaborateur (ou ses représentants) sur la mise en application de nouvelles règles du code du travail dans l’entreprise.
Dans le cadre de la GEPP, l’accord d’entreprise négocie la mobilité interne professionnelle ou géographique. Il précise aussi les collaborateurs concernés ainsi que le périmètre et les restrictions de la mobilité.
L’accord doit prendre en considération la vie personnelle du collaborateur, la santé et les formations nécessaires à la mobilité. Il ne doit en aucun cas diminuer la rémunération du collaborateur.
Si le collaborateur refuse la mobilité prévue dans l’accord, l’employeur a le droit de le licencier pour motif économique.
2. Pourquoi recruter en interne ?
2.1 Réduire les coûts de recrutement
Recruter en interne permet de générer des fortes économies en termes de coûts et d’effort. En effet, la RH n’a plus à suivre tout le cycle de recrutement à savoir la diffusion d’annonce, le tri des candidatures, les entretiens… sur un très large public de candidats.
Au-delà de l’embauche, le collaborateur recruté en interne est déjà accoutumé à la culture et aux méthodes de travail de l’entreprise ce qui réduit le délai du processus d’intégration et de formation et les coûts associés.
2.2 Sécuriser le processus de recrutement
Chaque recrutement représente un investissement à risque, c’est pour cette raison que la RH s’investit afin d’éviter au maximum les erreurs d’embauche qui peuvent être coûteuses pour l’entreprise.
Lorsque l’on parle de recrutement interne, l’entreprise connaît bien les candidats, leurs forces comme leurs pistes d’amélioration. Pas de risque de rencontrer des problèmes d’adaptation à la culture ou aux manières de faire ou d’être. Recruter en un « terrain connu » représente ainsi un avantage de taille pour la RH qui souhaite sécuriser son processus de recrutement.
2.3 Fidéliser et motiver les troupes
Que de mieux que de se voir proposer un nouveau poste ? Les employés ont des attentes vis-à-vis de leurs employeurs : renforcer leurs compétences et diversifier leurs expériences. Une entreprise, qui dispose d’une politique de mobilité interne, valorise ses collaborateurs et les motive à surperformer. Les employés avides d’évolution vont s’investir pour pouvoir bénéficier des opportunités de recrutement interne.
La mobilité offre également aux collaborateurs l’occasion d’enrichir leurs compétences, c’est en effet un gage de formation professionnelle et un outil de GEPP.
Dans un contexte où les collaborateurs n’hésitent pas à mettre les voiles pour naviguer d’un employeur à un autre, la mobilité interne devient un véritable levier de rétention et de compétitivité.
2.4 Améliorer la marque employeur
Adopter une politique de mobilité interne représente un message fort de la marque employeur. Les candidats sont attirés par les entreprises qui valorisent les compétences de leurs employés et leur offre une garantie d’apprentissage et d’évolution.
Le recrutement interne ne s’oppose pas au recrutement externe, les combiner est, en effet, possible. Il s’agit de se tourner vers l’extérieur afin de recruter les meilleurs profils pour ensuite les recruter en interne. Cela permet de s’imposer sur le marché du travail et de se différencier de la concurrence.
3. Les bonnes pratiques
La mobilité interne est une politique qui nécessite une planification minutieuse en amont. Acculturation, diffusion des offres, détections des compétences, sélection du candidat… dû à la complexité de planifier et standardiser la politique de mobilité interne, de nombreuses entreprises continuent d’improviser au cas par cas sans formaliser un processus de mobilité uniforme. Dans ce qui suit, les bonnes pratiques pour mener à bien sa politique de mobilité interne.
3.1 Mobilité interne : gestion collective ou individuelle ?
Dans la mise en place d’une stratégie de mobilité interne, la RH peut procéder à la gestion collective ou individuelle selon les besoins de l’entreprise.
3.1.1 Gestion collective
Si la continuité et la performance de l’entreprise est basée sur la mobilité interne, l’organisation collective de cette dernière est à privilégier. Pour cela, la RH peut opter pour :
Une charte de mobilité
Il s’agit de formaliser le processus de mobilité via la mise en place des règles. Exemple : les moyens de diffusion des offres, les conditions de candidature et de sélection ou encore l’impact de la mobilité sur le contrat.
Un accord GEPP
Cet accord permet d’impliquer l’instance représentative du personnel (IRP) à la planification de la politique de mobilité interne. Cette dernière prend place dans la négociation obligatoire consacrée à la GEPP.
Accord de performance collective
Il vise à maintenir et à développer l’emploi dans l’entreprise. Il clarifie aussi les mesures relatives à la durée de travail, à la rémunération et à la mobilité du collaborateur.
3.1.2 Gestion individuelle
Jugée plus souple que la gestion collective, de nombreuses entreprises privilégient la négociation individuelle. Elles procèdent alors à la modification du contrat pour y ajouter des clauses relatives à la mobilité interne.
L’avantage de ce procédé est de pouvoir ajuster et personnaliser la mobilité au cas par cas. Cependant, cette modification de contrat requiert l’addition d’un avenant et l’accord du collaborateur.
En cas de refus, certains conservent les conditions antérieures du contrat de travail, d’autres préfèrent recourir au licenciement disciplinaire.
3.2 Bien repérer les talents en interne
En matière de mobilité interne, la DRH ou l’employeur doivent cartographier les talents existants pour pouvoir élaborer les plans de mobilité, il n’est guère conseillé de procéder au recrutement interne si l’entreprise ne détient pas les compétences requises.
3.2.1 Les référentiels de compétences
Il s’agit d’un document regroupant toutes les compétences des collaborateurs (savoirs, savoir-faire et savoir être) des collaborateurs et des pistes d’amélioration de chacun.
Il est recommandé d’élaborer des référentiels de compétences pour cartographier les compétences existantes. Pour cela, il est possible de les détecter via des observations de terrain, des séances de brainstorming ou d’entretien avec les managers ou les collaborateurs.
3.2.2 Les entretiens, un outil précieux
L’entretien professionnel et annuel sont l’occasion de faire le point avec le collaborateur et d’échanger sur ses aspirations et ses souhaits d’évolution professionnelle.
Les entretiens comprennent, entre autres, une évaluation. Elle permet d’apprécier le potentiel du collaborateur et de détecter ses forces et ses pistes d’amélioration. Cela aide non seulement à l’élaboration des référentiels de compétences, mais également à ajuster la planification de la politique de mobilité interne selon les ambitions et les capacités du collaborateur.
3.2.3 Les managers, source d’informations
Le théoricien français des organisations, Jean-Marie Peretti, liste 4 conditions managériales favorisant l’employabilité. Il s’agit de connaître:
- Les compétences actuelles du collaborateur
- Les compétences nécessaires aux postes actuels
- Les compétences que le collaborateur peut acquérir et les procédures pour y arriver
- Les compétences indispensables aux nouveaux postes.
Les managers sont ainsi les personnes qui connaissent le mieux leurs collaborateurs. La RH doit alors travailler de concert avec eux. Elle peut ainsi détecter les talents ou les failles à combler et préparer les collaborateurs aux mobilités internes.
Ce sont également les managers qui fixent les compétences requises lors de la création d’un poste ou lors des recrutements, il est donc naturel de consolider la collaboration RH/manager.
3.3 Entretien de mobilité interne
Avant l’entretien de mobilité, une communication écrite, accompagnée par la fiche du poste, doit être envoyée au collaborateur. Cela lui permet de se préparer au mieux pour l’entrevue.
La présence du manager actuel est également recommandée, car sa confirmation est nécessaire. Cet entretien est l’opportunité de rappeler les objectifs et les attentes du poste à pourvoir. Il convient également de répondre aux interrogations du collaborateur. C’est aussi l’occasion de découvrir ses motivations et ses ambitions.
Une partie de l’entretien doit être dédiée à l’analyse de compétences (savoirs, savoir-être et savoir-faire). Le but est de détecter les possibles décalages et les besoins de formation pour aligner les compétences du collaborateur à celles exigées par le poste.
Une fois l’entretien achevé, un délai de traitement des candidatures est fixé. Au cours de cette période RH et manager concertent pour la prise de décision. Cette dernière doit être basée sur des normes objectives et des critères rationnels respectant le principe de l’équité.
3.4 La mobilité interne, comment soigner la transition ?
C’est une évidence, les transitions induisent une part de stress. Même dans le cas d’une transition positive (mobilité verticale) le nouveau terrain ou « l’inconnu » génère dans une certaine mesure une anxiété chez le collaborateur.
Pour gérer le stress engendré surtout dans la mobilité géographique, la RH a intérêt à mettre en place un processus d’offboarding et d’onboarding.
La période d’essai ne fait pas partie d’un processus de mobilité. Mais, il convient de mettre en place une période probatoire. Elle permet de s’assurer des aptitudes du collaborateur et de lui permettre de voir si le poste lui convient.
Si la période probatoire n’est pas concluante, le collaborateur reprend son ancien poste.
Au niveau de la transition, certaines entreprises optent pour une transition complète et datée. D’autres préfèrent une transition progressive qui s’étale sur plusieurs mois.
Une transition progressive permet au collaborateur d’achever ses missions en cours, d’assurer une passation et de prendre son temps pour se documenter sur son nouveau poste.
3.5 Formation et ajustement des compétences
La mobilité interne ne se limite pas à la sélection d’un candidat, elle inclut également un processus de formation. Bien que la recrue possède les compétences nécessaires, ces dernières requièrent souvent un ajustement ou un renforcement. Le but est d’alligner les besoins du poste au potentiel du collaborateur.
Il est également recommandé d’accompagner le collaborateur dans ses nouvelles missions pour simplifier sa prise de poste et accélérer son autonomie.
3.6 Le taux de mobilité interne
Le taux de mobilité interne est un indicateur qui permet de mesurer la part du recrutement interne par rapport au total de recrutements. Grâce à ce KPI, la RH détermine si l’entreprise offre réellement des opportunités de mobilité. Il est recommandé d’utiliser cet indicateur conjointement à d’autres comme le taux de rotation ou l’ancienneté moyenne.
4. Mobilité interne : Points de vigilances !
4.1 Les non-dits
Le taux de mobilité interne est un indicateur qui permet de mesurer la part du recrutement interne par rapport au total de recrutements. Grâce à ce KPI, la RH détermine si l’entreprise offre réellement des opportunités de mobilité. Il est recommandé d’utiliser cet indicateur conjointement à d’autres comme le taux de rotation ou l’ancienneté moyenne.
4.2 Un frein pour l’innovation
Recourir massivement à la mobilité interne sans l’élaboration d’une stratégie, peut enfermer l’entreprise sur elle-même et l’empêcher de renouveler ses savoirs.
Un nouveau collaborateur apporte une vision fraîche et critique sur des pratiques considérés longtemps comme évidents et acquits. Même si la mobilité interne génère moins de coûts, elle doit impérativement prendre en considération cet élément et équilibrer entre mobilité interne et recrutement.
4.3 La taille de l’entreprise, un facteur de taille !
La taille de l’entreprise est un facteur déterminant de la mobilité interne. En effet, la mobilité peut être freinée par la taille de la structure. Contrairement aux grandes entreprises, les PME ne peuvent offrir qu’un nombre limité d’opportunités de mobilité. Cela revient au nombre réduit de postes disponibles.
Dans l’autre extrémité, les grands groupes multi-établissements peuvent offrir de nombreuses opportunités de mobilité à ses collaborateurs. Ils peuvent toutefois faire face à des difficultés au niveau des conventions collectives.
Avoir des structures qui adoptent différentes conventions collectives applicables au sein d’un même groupe complexifie les modalités de mobilité intragroupe (différences au niveau de l’organisation de travail, des avantages sociaux octroyés, du code de travail…).
5. Les SIRH au service de la mobilité interne
La mobilité interne est une stratégie complexe qui se gère sur le long terme, les SIRH s’avèrent être un excellent outil pour optimiser et fluidifier le processus de mobilité.
5.1 Élaboration des référentiels de compétences
Un SIRH assiste la RH dans la conception des référentiels, toutes les données relatives aux compétences sont centralisées et présentées sous forme de graphique pour faciliter la détection des profils éligibles à la mobilité interne.
Il permet également de cerner les décalages en termes de compétences pour bien planifier les formations et cibler les lacunes.
5.2 Diffusion des offres
Jalousie, malentendu, sentiment de favoritisme, la mobilité interne peut engendrer des conflits au sein des équipes. Un SIRH renforce la transparence grâce à une diffusion équitable des offres en interne. En effet, chaque collaborateur possède son propre espace dans la solution. Il peut ainsi consulter en toute autonomie les postes à pourvoir, les critères de sélection…
La communication cible ainsi tout le personnel. Il est également possible de restreindre la visibilité pour un service ou une équipe bien précise selon la stratégie de l’entreprise.
5.3 Organisation des processus d’offboarding et d’onboarding
Les SIRH simplifient considérablement la gestion des processus d’offboarding et d’onboarding nécessaires au bon déroulement de la mobilité interne.
Ces logiciels permettent à la RH de récupérer du temps sur l’organisation et le suivi de l’avancement du processus d’intégration ou de départ du collaborateur.
Les SIRH permettent de planifier et de dresser des tâches sous la forme de checks liste et d’y affecter les personnes concernées. Le suivi se voit également simplifié, quelques clics suffisent pour surveiller en temps réel l’avancement de tout le processus. Résultat : gain de temps et d’efficacité et amélioration de l’expérience des nouvelles recrues.
5.4 Planification des formations
Au lieu d’imposer les formations en mode top down, les SIRH permettent d’élaborer un catalogue de formations accessible aux collaborateurs. La nouvelle recrue en interne formule ainsi des demandes de formation pour ajuster ses compétences. D’un autre côté la RH traite facilement et rapidement les demandes et organise efficacement des plans formation.