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Cela n’aura pas échappé aux DRH à l’orée du 3ème confinement : 45% des 2 000 personnes interrogées début mars 2021 pour le baromètre Opinion Way affirment se trouver détresse psychologique . Par rapport au mois de décembre, le taux de dépression avait explosé, passant de 21% à 36%. Le retour à la vie de bureau « normale » sera-t-il possible ? En tous les cas, il est certain que les relations professionnelles et sociales ne seront plus comme avant. L’entreprise doit donc se préparer à plus de bienveillance et de résilience. Dans ce contexte, elle aura tout avantage à identifier les collaborateurs susceptibles de dynamiser l’engagement, la Qualité de Vie au Travail, le développement des soft skills et, in fine, la performance. Mais comment et pourquoi détecter ces relais positifs du changement, sources d’optimisme et sponsors des transformations futures ?
Qu’est-ce qu’un toxic handler ?
L’expression apparue dans la HBR dès 1999 via les universitaires Peter Frost et Sandra Robinson a été approfondie en France par le chercheur Gilles Teneau sous l’appellation de « générateur de bienveillance ». Loin d’être un RH à la fibre sociale bombardé « Happiness Manager », le rôle « toxic handler » relève plus du marketing interne, sans qu’il soit pour autant un ambassadeur caché de la gouvernance. En effet, le toxic handler peut agir dans un périmètre plus restreint, à l’échelle d’un individu, d’une équipe, d’un atelier, d’un service. Savoir faire preuve d’une écoute empathique et de recul sont des qualités précieuses, notamment en période de crise. Elles permettent d’atténuer le stress, les silos, et facilite les relations interhiérarchiques.
Identifier le « bons » toxic handlers est primordial
Teneau en distingue trois types, le porteur de :
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Confiance : il détecte la souffrance, l’écoute tout en gardant une distance sans affect.
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Souffrance : il fait preuve d’une forte empathie, mais s’use physiquement et émotionnellement dans cette fonction.
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Compassion : Tout en étant empathique, il sait régénérer sa capacité d’écoute grâce à des qualités et des postures personnelles particulières.
On ne recrute pas les toxic handlers
L’entreprise recrute des talents pour occuper un poste. Or, une définition stricte de poste ne mentionne pas le fait d’endosser un rôle officieux de toxic handler dans l’organisation. Ce dernier peut se montrer efficace dans un certain contexte, pas dans un autre. Il peut être pertinent à un moment de sa carrière, mais pas à un autre. C’est une question de soft skills et de rencontre avec un système complet et des personnes. Ces derniers, en dehors de leur fonction, ne sont pas forcément des managers. Le toxic handler peut être un collègue, un chef de projet transverse, une personne de la direction. Il peut s’apparenter au sponsor dans un parcours d’intégration. N’importe quel collaborateur peut décider d’agir comme un toxic handler.
Des « soft skills » indispensables
Des soft skills présents dans le recrutement peuvent faire soupçonner un profil de toxic handler. Ces qualités résident principalement dans les 4 piliers de l’Intelligence Emotionnelle (IE) : bien se connaître et savoir se contrôler, connaître et comprendre les autres, savoir comment travailler avec eux. Le bon toxic handler emploie une parole impeccable, ne fait pas de supposition et ne prend rien sur lui. Il fait preuve d’un recul et d’une circonspection plus développés que la moyenne. Atteindre ce niveau-là est une question de contexte, de moment et suppose d’être « bien dans ses baskets », ne pas douter de son poste, de l’entreprise, de ses valeurs, bref, d’être dans l’équilibre.
Un manager n’est pas forcément taillé pour le rôle
Un toxic handler sait se rendre utile. Il développe quelque part une posture officieuse de coach, sans en avoir la certification. L’entreprise peut embaucher un profil qui n’a pas ce talent-là au moment du recrutement, tout en décelant des aptitudes qui vont le révéler à moyen terme, après avoir adhéré en profondeur aux valeurs de l’entreprise. Une équipe peut détenir des « absorbeurs de pression » susceptibles de transmettre leur vision à leurs collègues, d’offrir un autre prisme de réflexion dans des situations données. Cette attitude qui ne relève pas forcément du manager. Ainsi, un « team leader » peut jouer ce rôle – quoi que plus orienté performance – au sein d’un groupe projet.
Une officialisation du rôle n’est pas souhaitable
Il est cependant délicat de vouloir définir des critères, d’identifier une fonction dans l’organigramme qui serait proche du salarié tuteur. En guise de comparaison, l’entreprise peut proposer à un salarié expert de devenir formateur car elle aura décelé des aptitudes pédagogiques. Il pourrait en être de même pour les toxic handlers, dont les potentiels transversaux pourraient être identifiées lors d’une people review. L’organisation pourrait ainsi identifier des « ambassadeurs de la bienveillance » selon des timings particuliers, dans le cadre d’un système complet, en période d’urgence ou lors d’une reconstruction.
Le toxic handler peut tout autant aider à gérer une pression ressentie, par exemple celle d’un collaborateur ayant un vécu compliqué. Il est donc important de distinguer le véritable porteur de confiance, qui aura le recul nécessaire et n’instrumentalisera pas la relation à l’autre pour son propre intérêt. C’est pour cette raison qu’il ne faut pas officialiser le rôle, ce qui impliquerait une logique de supervision.
Une aide à la responsabilisation ?
Les piliers de la motivation 3.0 – autonomie, responsabilité et sens – font face à un sérieux challenge. Le toxic handler a donc un rôle dans n’importe quel type d’organisation, y compris au sein de l’entreprise libérée, censée faire cohabiter des collaborateurs en mode de responsabilisation. Or, en France, les collaborateurs ne sont pas prêts – ni éduqués depuis l’enfance – à l’autonomie car ils évoluent dans un environnement très cadré. Soyons lucide, ce n’est pas parce qu’on a identifié des toxic handlers que la responsabilisation sera plus marquée. Tout dépend du niveau de mobilisation et de la façon dont les énergies sont employées : les laisse-t-on opérer sans contrôle ni officialisation ? les sollicite-t-on sur un projet spécifique, ce qui implique une reconnaissance du rôle et un système de récompense ?
La reconnaissance de la performance
Un système officieux a plus de chance d’être efficace. Sans admettre ni formaliser l’existence du toxic handler, les entretiens peuvent aider à reconnaitre de bonnes actions et servir à témoigner une reconnaissance non institutionalisée, mais aussi à conscientiser les forces internes de l’organisation, du service. Une prime à un bon comportement en gestion de crise constitue une forme de reconnaissance. Elle ne sera pas quantitative ni récurrente et en aucun cas maitrisée par le toxic handler.
Une démarche « gagnant-gagnant » pour l’entreprise et le collaborateur
Plus que jamais, le relationnel, le savoir-être, le quotient émotionnel (QE) sont autant d’atouts pour une bonne intégration. Le QE n’est pas assez valorisé et dépend d’une réelle volonté d’entreprise. Or, trop souvent, les dirigeants recherchent des profils similaires aux leurs et/ou recrutent des personnalités qui se fondent dans un moule concurrentiel.
L’ouverture à des profils différents offre pourtant des bénéfices significatifs : réduction de conflits, fluidité des rapports intra-services, abaissement des silos. A cet égard, les confinements ont fait office de révélateurs en matière de qualité de service, « d’expérience collaborateur », « d’expérience client ». Le temps de l’expert technique travaillant seul dans son coin est révolu. Fort heureusement, on voit de plus en plus d’entreprises qui mettent le collaboratif à l’ordre du jour !
Loïc CLAIRE
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Consultant RH depuis 1998.
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Psychologue spécialisé en ingénierie des organisations et de la formation.
Loïc bénéficie de plus de 20 ans d’expérience dans la mise en place et/ou l’optimisation des processus RH (recrutement, mobilité, gestion des talents, GEPP, …). Il accompagne les clients HRMAPS de l’audit des processus en vigueur dans l’entreprise à la mise en production de l’outil SIRH.